mardi 20 octobre 2009

Les Etats-Unis légalisent...

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Les Etats-Unis ont -de manière plus ou moins officielle- légalisé le cannabis à usage médical.

La Californie a déjà légalisé depuis 1996, mais cela a été fait en opposition aux autorités fédérales: ainsi donc les praticiens ou vendeurs qui cherchaient à exploiter la législation de l'Etat se voyaient confrontés aux agences fédérales telles que la DEA (Drug Enforcement Agency). A la demande du Ministère de la Justice du gouvernement Bush, la Cour Suprême avait d'ailleurs confirmé la non-validité de la loi californienne en 2005, ce qui en faisait un obstacle majeur à l'extension de cette mesure à d'autres Etats.

Arrive Obama. Fin février, son ministre de la Justice Eric Holder confirme que le gouvernement fédéral respectera désormais les législations locales sur la légalisation du cannabis médical. Reconnu pour ses propriétés anti-anxiolytiques et analgésiques, la marijuana est désormais catégorisée comme un médicament.

Ce sont à présent 14 Etats Américains qui ont pris des mesures pour l'usage médical du Cannabis. Et une quinzaine d'autres continuent à étudier des réformes législatives comparables -dont le très conservateur Texas!

Il faut dire que les "effets néfastes" du cannabis, souvent soulignés en France, sont en fait considérés comme étant "dans la fourchette des effets tolérés" pour un médicament par l'Institut de Médecine Américain. En d'autres termes, les effets secondaires sont suffisamment limités pour une utilisation à grande échelle. De l'avis des experts Américains, les risques à long terme sont quasiment tous liés à l'inhalation avec du tabac, ce qui peut être combattu notamment par l'utilisation d'un inhalateur adapté.

Deux raisons expliquent cette évolution. La première, temporaire, est liée à la situation économique des Etats Américains à cause de la crise financière. Cette légalisation assortie de taxes représente un revenu juteux en cette heure de rigueur budgétaire. La Californie peut ainsi tabler sur environ 220 millions de dollars par an de recettes fiscales.

La seconde est plus durable, puisqu'elle est liée à l'évolution progressive des mentalités. Il y a encore quelques années, Bill Clinton avouait en 1992 avoir fumé mais "pas inhalé". Par contraste, Obama a déclaré fin 2007 ne "pas comprendre cette phrase", et tout en parlant "d'erreur", de dire clairement qu'il "avait souvent inhalé, que c'était la le but de la manoeuvre". Tout en mettant en garde sur les dangers de dérapage, Obama a ainsi comparé le cannabis à la morphine.

Si la morale n'est plus un argument de poids, il reste cependant à voir l'évolution concrète. En Californie par exemple, le cannabis est facilement prescrit pour de l'anxiété, de l'insomnie ou même des troubles pré-menstruels. Les médecins peu scrupuleux prêts à prescrire de l'herbe à la demande ne sont pas rares. Or, si dérapages il y a, les conservateurs auront l'occasion de revenir sur ces mesures au nom de l'ordre et de la sécurité des citoyens.


Sources:
Le Courrier International n°988 (8-14 octobre 2009): Etats-Unis: le cannabis devient (presque) légal
The New York Times: U.S. Won’t Prosecute in States That Allow Medical Marijuana
The New York Times: Marijuana Licensing Fails to Chase the Shadows
MSNBC: Obama open to limited legalization

mardi 13 octobre 2009

L'étrange histoire des grippes aviaire et porcine...

Une connexion quelque peu étonnante entre Donald Rumsfeld, le Ministre de la Défense Américain entre 2001 et 2006 et les laboratoires Gilead et Roche, respectivement responsables de la découverte et de la commercialisation du fameux Tamiflu, jette le doute sur la réalité du danger lié à la grippe A.

Rumsfeld fut PDG des laboratoires Gilead entre 1997 et 2001, avant de rejoindre l'équipe de George W. Bush. Durant la présidence de ce dernier, les Etats-Unis mirent en place des dispositifs destinés à contrer une éventuelle épidémie due à de nouvelles souches de grippe ; à l'époque, il était bien sûr question de la grippe aviaire et non porcine. Ces dispositifs prévoyaient entre autres l'achat massif de Tamiflu si la menace d'une pandémie devait se préciser.

Gilead céda les droits d'exploitation du Tamiflu à Roche en 1996 en échange d'un pourcentage de 10% sur les ventes. Aujourd'hui la menace de la grippe porcine ou grippe A, a fait exploser les ventes de Tamiflu et donc le cours des actions de Roche et Gilead. On ignore à quel point Rumsfeld s'est enrichi grâce à cela ; selon CNN, il aurait consulté plusieurs avocats en 2005, dont notamment les conseillers juridiques du Pentagone et du Ministère de la Justice, avant de conclure qu'il n'y avait pas de conflit d'intérêt et de conserver ses parts de Gilead.

Sans sombrer dans la paranoïa, il faut au moins admettre que les liens entre les industries pharmaceutiques et les politiques sont susceptibles d'avoir de fâcheuses conséquences, et sèment le doute sur la réalité d'une menace gripale.


Sources:
CNN-Money: Rumsfeld's growing stake in Tamiflu
Gilead: Donald H. Rumsfeld Named Chairman of Gilead Sciences
Gilead: Gilead Board of Directors Appoints James M. Denny as Chairman

samedi 10 octobre 2009

Obama, nobel de la paix 2

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Bien sûr l'annonce de ce Nobel a surpris, et surprend encore. Le prix Nobel de la paix, dans l'imaginaire collectif, demeure un encouragement moral et matériel destiné à des personnes en lutte, souvent opposés à des pouvoirs politiques qui les écrasent. Attribuer le Nobel à l'homme le plus puissant (et le plus célèbre) de la terre va donc à l'encontre de nos attentes.

Pourtant, il faut aussi percevoir la volonté derrière le comité, celle de promouvoir "la diplomatie et la coopération entre les peuples", un flambeau dont s'est targué le président Américain à maintes reprises. En prenant les discours d'Obama au pied de la lettre, le comité a donc lié sa crédibilité aux actions du président, mais l'inverse est également vrai. En langage simple, c'est une pression supplémentaire pour la Maison-Blanche, une obligation de résultats.

Obama ne s'y est pas trompé: sa réaction, parfaitement calibrée, montre sa volonté d'échapper à une nouvelle responsabilité, de ne pas être "enfermé". Estimant qu'il "ne le mérite pas", il a ainsi partagé (à mots cachés) son prix avec les opposants en Iran ou en Birmanie, et rappelé qu'il est le "commandant-en-chef d'un pays qui a une guerre à terminer".

Le prix n'a rien d'un cadeau: accusé d'être trop "colombe" par les Républicains, Obama a essayé depuis plusieurs mois d'équilibrer sa politique entre ses convictions personnelles et l'implication des Etats-Unis au Moyen-Orient. Un président Américain ne peut jamais être trop pacifiste ; bien au contraire, les opérations militaires ont toujours servi à booster la popularité, de Reagan (Grenade, Lybie) à W.Bush, en passant par Bush senior ou Clinton (Yougoslavie). Voila donc Obama promu président international, au même titre que Gorbatchev, Carter, Mandela... (ou même mère Theresa), et sommé de garder à l'esprit qu'il n'est pas juste le président des Etats-Unis d'Amérique, mais que sur ses épaules repose l'avenir de la paix dans le monde.

Au-delà du fait que l'importance des Etats-Unis dans l'échiquier mondial est à nouveau souligné, on ne saurait trop insister sur la dimension personnelle de ce prix. Obama pourra-t-il à présent mener une guerre en Afghanistan? Pourra-t-il bombarder l'Iran? Le comité Nobel a fait de lui, qu'il le veuille ou non, un espoir de progrès et de paix. Or, détail piquant qui semble être passé inaperçu dans les rédactions du monde, Obama a accepté. Cela n'a rien d'anodin. Il eut été tout à fait compréhensible qu'un président Américain en exercice, souhaitant conserver une image forte dans son pays, refuse un prix Nobel de la paix prématuré. Cette acceptation, de la part d'un politicien exceptionnellement intelligent, qui sait parfaitement manier les symboliques, semble bel et bien signifier au monde qu'il compte maintenir le cap et -dans la mesure du possible- concrétiser ses promesses.

Certains ont vu de la naïveté dans la décision du comité. Après tout, Obama est un politicien habile, et prendre ses discours au sens littéral peut paraître naïf. Mais le président du comité a écarté cette critique d'un "et donc?". Après tout, il a fait un premier pari qui a été gagné, puisqu'Obama a accepté, et ce en dépit des risques que cela implique pour lui dans son pays. Le second pari, à présent, c'est de voir le président des Etats-Unis prendre la dimension historique qu'on lui prédit.
On ne peut que l'espérer.

Sources:
Le Monde: Barack Obama, Prix Nobel de la paix : les raisons d'un choix
The New York Times: Surprise Nobel for Obama Stirs Praise and Doubts
The New York Times: From 205 Names, Panel Chose the Most Visible
The New York Times: The Peace Prize
Le Nouvel Observateur: Obama Nobel de la Paix : un "espoir" mais un "paradoxe total"

vendredi 9 octobre 2009

Obama, prix nobel de la paix

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"En tant que président, Obama a créé un nouveau climat dans la politique internationale", a déclaré le président du comité Nobel Norvégien, Thorbjoern Jagland.

Bien sûr, l'engagement d'Obama contre les armes nucléaires et le réchauffement climatique sont notables, sans parler des efforts faits dans les relations avec le monde musulman. Mais comme l'a souligné Lech Walesa, lui-même lauréat en 1983, les résultats ne sont pas encore probants. De plus, on se doit de rappeler que les Etats-Unis sont encore en guerre en Irak, et qu'Obama va sans doute décider de l'envoi de nouvelles troupes en Afghanistan. Même si Jagland et le comité estiment que l'effort d'Obama est comparable à ceux de Willy Brandt ou Mikhaïl Gorbatchev lorsqu'ils reçurent leurs prix, les sceptiques restent nombreux.

Alors, volé ce prix nobel? En tout cas, l'intéressé a répondu avec humilité aux prix et aux félicitations de rigueur des autres chefs d'Etat, et y voit "un appel à relever des défis". Reste à savoir ce qu'il fera du prix de 10 millions de couronnes (un peu plus d'un million d'euros).

Sources:
Le Monde: Barack Obama Prix Nobel de la paix
Le Monde: Barack Obama "étonné et touché" par le prix Nobel de la paix
The New York Times: Obama Says He’s ‘Surprised and Humbled’ by Nobel Prize

lundi 5 octobre 2009

Du contrat social

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Les mots ont fini par être lâchés dans un article du New York Times: le débat sur la réforme du système de santé Américain est une question de contrat social.

Les mots sont bien sûrs ceux de Jean-Jacques Rousseau, mais de manière générale le type de "contrat" à "souscrire" entre les individus et la société dans laquelle ils évoluent est une question au coeur de toute philosophie politique, et ce depuis la République de Platon.

Dans le monde anglo-saxon, on oppose ainsi plutôt Thomas Hobbes, pour lequel l'homme "loup pour l'homme" doit se soumettre aux lois de l'Etat pour sa propre sécurité, à John Locke, pour lequel l'Etat doit garantir la préservation des libertés "naturelles" de chacun.

On voit ici se dessiner deux grandes tendances Américaines, et ce dés les débats sur la Constitution en 1787. Les partisans d'un Etat fort, capable de garantir la sécurité de chacun, seront les "fédéralistes", auxquels s'opposeront les partisans de la liberté individuelle, les "anti-fédéralistes", dont l'opposition mènera d'ailleurs aux célèbres premiers amendements à la Constitution, le Bill of Rights garant des libertés fondamentales des Américains.

Quid de Rousseau, qui de son coté va plutôt influencer le modèle Français, et -dans une certaine mesure- nos voisins Allemands? Ce dernier verra plutôt dans la soumission à l'Etat un acte volontaire fondateur d'une République, cette dernière étant conduite par la volonté générale correspondant à un intérêt commun -par opposition aux intérêts particuliers. Pour Rousseau l'Etat est légitime car il représente le peuple, voir même en un sens est le peuple -une idée étrangère aux anglo-saxons qui ne font pas l'amalgame entre peuple et pouvoir.

Les trois grands types de contrat social étant posés, on peut maintenant voir en quoi le débat aux Etats-Unis nous paraît étranger: les Américains n'ayant pas notre concept typiquement Français de République, ils ne voient dans l'intervention de l'Etat qu'une restriction de leurs libertés. Cette intervention peut être faite au nom de la sécurité commune (le modèle de Hobbes), mais fera immanquablement perdre certaines libertés individuelles (liberté d'entreprendre ou liberté de choisir les prestations indispensables comme la santé ou l'éducation, dans le modèle de Locke).

Le système de santé dépend donc inextricablement du contrat social choisi. Dans une République -au sens Français du terme-, l'intérêt de chacun est garanti par l'Etat, lui-même représentant du peuple. Dans une fédération d'Etats comme les Etats-Unis, l'intérêt de chacun semble souvent mieux garanti par soi-même que par le gouvernement fédéral, d'autant que, pour Adam Smith, l’initiative privée et égoïste sera le moteur de l’économie et le ciment de la société.

In fine, ce sont donc deux libertés, ou plutôt deux droits qui semblent en contradiction l'un avec l'autre: le droit à la sécurité, défini par Hobbes, et le droit à l'entreprise privée -profitable- de Locke. En filigrane se trouve bien sûr la question de l'importance de l'Etat dans la vie des citoyens, puisque dans la conception anglo-saxonne, l'Etat est distinct du peuple; si l'Etat est trop interventionniste, on court le risque d'étouffer l'individu -et donc l'économie- et d'aboutir au totalitarisme.

A cela, c'est un libéral s'il en est qui a déjà répondu:
Dans les cas de maladie ou d'accidents, ni le désir d'éviter de telles calamités, ni les efforts fournis pour surmonter leurs conséquences ne seront généralement affaiblis si l'on fournit une assistance [...]. On peut donc argumenter avec force pour la mise en place d'un système universel de sécurité sociale assistée par l'Etat.


Dixit Friedrich Hayek, l'un des plus grands pourfendeurs du socialisme.


Sources:
The New York Times: The Public Imperative
Friedrich Hayek: La route de la servitude