samedi 26 septembre 2009

La question nucléaire

Image hébergée par servimg.com

La question nucléaire est à nouveau le centre de l'attention avec l'intervention récente de Mikhaïl Gorbatchev en personne dans le New York Times pour encourager les Etats-Unis à écarter le "stéréotype de la 'mauvaise' Russie" et à coopérer pour la réduction des armes nucléaires.
Coïncidence troublante, dans le même numéro, Kenneth Adelman, jadis nommé par Ronald Reagan à la tête de l'Agence Américaine pour le Désarmement (United States Arms Control and Disarmament Agency), en appelle à l'élimination totale des missiles nucléaires de portée intermédiaire (INF) comme les Etats-Unis et l'URSS l'avaient décidé en 1987.

Pourquoi ce bruit autour des armes nucléaires? Parce que le traité INF de 1987 a été mis à mal par les initiatives de George W. Bush et Vladimir Poutine. Avec la jeune présidence d'Obama, des officiels Américains et Russes tels que Gorbachev et Adelman, qui ont jadis mis fin à la Guerre Froide, veulent relancer la démilitarisation.

Celle-ci n'aura probablement pas lieu. A l'Est, l'influence de Vladimir Poutine rend improbable un réel désarmement de la Russie. A l'Ouest, les positions nationalistes demeurent aussi populaires et les mythes du "grand méchant monde" ("big bad world") ou les stéréotypes de la "mauvaise Russie" ("bad Russia") ou encore des omniprésents "terroristes islamistes" hantent toujours les Américains.

Pendant plus d'un siècle, les Américains ont usé d'un nationalisme périodique. Par cycles, leur patriotisme est poussé à l'extrême et conduit à des actions militaires au-delà de leurs frontières. Ces actions ne se font jamais menées au nom de l'impérialisme: elles sont conduites au nom de valeurs universelles, telles que le droit à la liberté ou à l'auto-détermination.

Mais surtout, elles sont faites contre une menace, réelle ou supposée. Les Etats-Unis, on a parfois déclaré, sont le seul empire s'étant construit "en réaction" à des menaces extérieures. Il n'y a pas de guerre Américaine sans casus belli ; il en va de la moralité de la nation, de son exceptionnalisme.

Car en réalité, quel ennemi, dans le monde d'aujourd'hui menace véritablement la sécurité des Etats-Unis? Pourquoi la première puissance militaire mondiale ne présiderait pas au désarmement international?
Peut-être parce que l'empire a besoin de ses armées. Au-delà de la question nucléaire se trouve la question de l'écrasante hégémonie Américaine. Pour la préserver, la meilleure stratégie reste le statu quo. Un homme comme Gorbatchev sait qu'il faut une forte volonté pour s'en libérer, et son appel à la coopération n'a rien de naïf. Mais Obama risquera-t-il l'hégémonie Américaine? S'il essayait il serait véritablement un leader international d'une rare stature. La suite au prochain épisode...

Sources:
The New York Times: Two First Steps on Nuclear Weapons (Mikhaïl Gorbatchev)
The New York Times: A Long-Term Fix for Medium-Range Arms (Kenneth Adelman)

jeudi 24 septembre 2009

Sarcastique? Vous croyez?

Et dans le débat sur le système de santé Américain, un soutien de quelques célébrités à "l'option publique" d'Obama, sur le mode sarcastique.

"Quelque chose de terrible est en train de se produire", commence la vidéo. "Ce qui est terrible est que les directeurs des compagnies d'assurances sont injustement punis".

Quelques réflexions du genre: "Les polices d'assurance sont détaillées au point de rejeter les demandes pour des détails comme des fautes de frappe. Est-ce qu'on mérite d'être opéré quand on fait une faute de frappe? Je crois pas non."

Will Ferrel demande notamment "Pourquoi donc Obama essaye-t-il de réformer le système de santé quand les compagnies d'assurance s'en sortent si bien à faire des milliards de profit?".

Pourquoi, effectivement...

dimanche 20 septembre 2009

La guerre des étoiles n'aura pas lieu ... ?

Image hébergée par servimg.com

La guerre des étoiles n'aura pas lieu. Non pas l'histoire de George Lucas, mais la rivalité américano-russe pour militariser l'espace. Obama semble enterrer pour de bon cette vision, avec l'appui sans équivoque de son ministre de la défense Robert M. Gates.

La légende veut que l'histoire remonte à 1979 et une visite par Ronald Reagan du NORAD (Commandement de la Défense Aérospatiale de l'Amérique du Nord), au cours de laquelle le futur président prit conscience de la vulnérabilité des Etats-Unis à une attaque par missiles balistiques intercontinentaux (ou ICBM). La doctrine de dissuasion nucléaire par "destruction mutuelle" ne le satisfaisant pas, Reagan aurait conçu (avec l'aide de savants enthousiastes) le projet de baser des contre-mesures dans l'espace.

Annoncé au grand public en 1983 -avec un minimum de consultations préalables-, le projet IDS (Initiative de Défense Stratégique) est très vite surnommé "guerre des étoiles" car il paraît relancer la course aux armements, cette fois dans le domaine spatial.

Très vite décrié par l'URSS et tout particulièrement Mikhaïl Gorbatchev -qui n'aura de cesse de vouloir étouffer le projet-, il sera par la suite opposé avec la même véhémence par la Russie et tout particulièrement Vladimir Poutine. Il faut dire qu'un tel projet pourrait -à long terme- donner un avantage stratégique considérable aux Etats-Unis en les plaçant eux et leurs alliés à "à l'abri" de toute attaque nucléaire.

Au début du 21ème siècle c'est au tour de George W. Bush d'injecter une nouvelle vie au projet en déployant des systèmes en Alaska et en Californie, tout en planifiant le déploiement d'une plateforme anti-missiles en Pologne et un radar en République Tchèque. L'ennemi supposé est officiellement l'Iran, mais la Russie y voit une manière de limiter sa sphère d'influence en Europe de l'Est, tandis que la Corée du Nord ou la Chine peuvent être la cible des systèmes coté Pacifique.

La "réforme" Obama propose de déployer un système anti-missiles mobile dans un premier temps, avec des intercepteurs plus flexibles. Un système ainsi basé sur des navires de la marine Américaine pourrait protéger non seulement l'Europe de l'Est, mais également Israël. Ironiquement, ce changement de politique semble protéger le Moyen-Orient ou l'Europe plutôt que les Etats-Unis.

Bien que l'aspect spatial de l'IDS semble avoir quasiment disparu (certains satellites pourraient jouer le rôle de senseurs, mais aucun missile ou laser ne sera déployé en orbite), il est bon de noter que le principe de défense stratégique reste au final soutenu par l'administration Obama. Si certains Républicains y voient une concession à la Russie, Robert M. Gates et les chefs d'état-major soulignent qu'un tel système pourra être déployé "7 ans plus tôt" que le système soutenu par l'administration Bush, et ainsi être une défense plus crédible contre le programme nucléaire Iranien.

Bien sûr, le projet actuel vise plutôt des missiles de portée intermédiaire, tels que la Corée du Nord en possède déjà, et que l'Iran pourrait déployer dans un avenir proche. On lui reproche de laisser les Etats-Unis vulnérables si l'Iran réussissait à déployer des ICBM dans les dix ans à venir -un scénario qui reste discutable, et réfuté par Gates.

Ainsi donc, ce n'est pas l'IDS qui est remis en cause, mais la stratégie à adopter: pour les Républicains la défense stratégique doit viser avant tout à protéger les Etats-Unis contre les attaques intercontinentales. L'administration Obama cherche plutôt à en faire une défense mobile "locale" contre des missiles à plus courte portée, ce qui peut rassurer à la fois la Russie (dont les ICBM gardent leur potentiel dissuasif), et les alliés Américains (Israël en premier lieu, à l'évidence).

Voila donc un débat cousu de fil blanc. Si la guerre des étoiles n'aura pas lieu, l'IDS de Reagan est donc en train de devenir une réalité. Il faut dire que le projet est juteux pour le complexe militaro-industriel Américain, qui aura reçu en 25 ans des centaines de milliards de dollars ; Obama ne semble pas complètement immunisé à son influence. On aurait tort de croire que cette décision a quoi que ce soit de pacifiste ; au contraire elle ne sera que bénéfique pour l'influence Américaine.

En marge du débat, certains esprits chagrins continuent à pointer du doigt les échecs répétés de tels systèmes. Force est de constater qu'au jour d'aujourd'hui, ils sont loin d'être au point. Mais demain, ils pourraient considérablement impacter la géopolitique mondiale si certains pays sont effectivement protégés des attaques extérieures. Pis, ils pourraient rendre l'arme atomique plus "utilisable" aux yeux de certains faucons de Washington ou de Tel Aviv.

On a cru le spectre de l'armageddon écarté avec la fin de la guerre froide, mais celui-ci semble avoir la vie dure. Dark Vador n'a qu'à bien se tenir...

Vidéos:
Discours d'Obama
Discours de Robert M. Gates

Sources:
The New York Times: White House Scraps Bush’s Approach to Missile Shield
The New York Times: New Missile Shield Strategy Scales Back Reagan’s Vision
The New York Times: Missile Sense
The New York Times: A Better Missile Defense for a Safer Europe

samedi 19 septembre 2009

Blacks - Whites - Gray



Selon l'ancien président Jimmy Carter, l' "animosité envers Obama est très largement due au fait qu'il est un homme noir". Usant de son expérience de Démocrate du sud des Etats-Unis, Carter affirme que nombre d'Américains blancs continuent à voir un homme noir comme "incapable diriger le pays".

De fait, des insultes racistes sortent régulièrement du camp Républicain. Pour autant, qualifier les critiques du président de racistes est un raccourci que n'apprécieront pas certains opposants. C'est un pavé dans la marre lancé par Carter, et à n'en pas douter, une manière habile pour étouffer l'opposition à la réforme du système de santé Américain.

Pour Charles M. Blow, du New York Times, le racisme a de nombreuses formes, et l'une d'entre elles est de pouvoir "justifier des sentiments négatifs envers les noirs par des arguments autres que racistes". En d'autres termes, on peut s'opposer aux réformes de l'administration Obama à cause de préjugés, conscients ou pas ; mais tous les opposants aux réformes ne le font pas par racisme pour autant.
Dans ce cas, comment savoir si l'on est réellement raciste? Dans l'Amérique d'aujourd'hui, il n'y a plus de noirs ou de blancs, il n'y a plus que des gris.

The New York Times: Here We Go Again, par Charles M. Blow.
The New York Times: The Scourge Persists , par Bob Herbert.

dimanche 13 septembre 2009

You lie!

Image hébergée par servimg.com

Une mini-anecdote qui pourrait prêter à sourire, si elle n'était pas aussi triste: en plein discours devant le Congrès Américain pour défendre la réforme du système de santé, un Représentant de la Caroline du Sud a interrompu le président pour lui crier un "vous mentez" (you lie) assassin.

Le cri était une réponse à l'affirmation d'Obama que les immigrants illégaux ne bénéficieraient pas d'un système de santé public. Le Congrès a par ailleurs déjà validé plusieurs amendements pour s'assurer que cela ne serait pas le cas.
Selon Wikipedia il y aurait entre 7 et 20 millions de résidents "illégaux" aux Etats-Unis. Ceux-ci viennent en général d'Amérique latine et sont exploités par des employeurs peu scrupuleux.



Le Représentant, Joe Wilson, auparavant peu connu, est maintenant une célébrité nationale. Les contributions à ses campagnes ont explosé, et son exclamation est devenue un cri de ralliement pour les conservateurs Américains.

Hier, c'est par dizaine de milliers que ceux-ci sont venus manifester contre ce qu'ils perçoivent comme un abus de pouvoir du gouvernement. Pour beaucoup, le financement d'un système de santé public équivaut à fouler au pied les principes fondateurs des Etats-Unis, en premier lieu l'individualisme et la libre entreprise.

Image hébergée par servimg.com

Ironiquement, le même jour, Obama était accueilli en triomphe dans le Minnesota, où la population semblait encline à écouter les arguments du président.

Le débat a de quoi laisser plus d'un Français sceptique, dans la mesure ou la couverture santé est un acquis de longue date dans le pays. Mais pour les Américains, en particulier depuis Reagan, il ne va pas de soi que chacun doit contribuer à protéger les membres les plus vulnérables de la population. Pour les manifestants à Washington, le gouvernement "travaille pour le peuple", mais n'a pas à gérer le moindre aspect de la vie des citoyens. Cette méfiance vis-à-vis des politiques n'a rien de partisan, et les Républicains sont autant visés que les Démocrates: l'Etat doit être réduit à son rôle de représentant de la nation.

L'agitation est cependant bienvenue pour les parlementaires Républicains, qui s'opposent avec force aux mesures sociales envisagées par l'administration Démocrate. Plus encore par les compagnies d'assurances, qui craignent pour leurs parts de marché, ou les professionnels de santé, qui pensent que le coût des soins pourrait être amené à baisser, et donc leurs salaires.

Image hébergée par servimg.com

Ainsi, les intérêts particuliers dominent-ils encore le débat. Pour certains, la liberté consiste à faire confiance au secteur privé, à la libre entreprise et au jeu de la concurrence. Pour d'autres, le secteur privé ne tient pas compte de l'intérêt public et doit donc être mis en concurrence ou remplacé par une "option publique" (public option) pour protéger les nécessiteux.

Image hébergée par servimg.com

On aurait tort de croire la question purement Américaine: au-delà des frontières, la question reste posée dans la plupart des pays occidentaux, dans une certaine mesure à chaque élection. Ironie du sort, la même réponse n'est pas forcément vraie partout.

Sources:
The New York Times: Boy, Oh, Boy
The New York Times:Thousands Rally in Capital to Protest Big Government
The New York Times:Thousands Rally in Minnesota Behind Obama’s Call for Health Care Overhaul
The New York Times:The Fading Public Option

vendredi 11 septembre 2009

La difficile réforme du système de santé Américain

Image hébergée par servimg.com

C'est le grand sujet du moment aux Etats-Unis: la tentative de réforme du système de santé par l'administration Obama. Peu de sujets sont aussi aptes à amplifier l'énorme fossé idéologique entre la droite et la gauche Américaine.

Pour une minorité, Obama représente le socialisme, et donc l'ennemi. A tel point que certains parents d'élèves ont demandé à ce que leurs rejetons ne regardent pas à l'école le discours à la nation sur l'éducation prononcé par le président le 8 septembre. Les conservateurs vont jusqu'à critiquer un "culte de la personnalité" naissant, et une "endoctrination" socialiste. Ce discours n'a pourtant rien d'anormal, les présidents s'adressant souvent aux jeunes élèves à la rentrée pour les encourager à bien étudier.

Mais les conservateurs n'en démordent pas: Obama est trop gauchiste, et donc "anti-Américain". Une controverse est même apparue autour de l'authenticité de son certificat de naissance, certains (dont des sénateurs Républicains) affirmant qu'il est "douteux", et que le président serait en fait né au Kenya, le rendant inéligible. Les "birthers" ont encore mauvaise presse, mais ils sont le symptôme d'une méfiance extrême de l'extrême-droite vis-à-vis du président.

Il n'est donc guère étonnant que la réforme de santé ait cristallisé toutes les émotions, et divise aujourd'hui le pays. De fait, deux visions radicalement différentes s'affrontent.

En premier lieu, il faut souligner les dysfonctionnements du système actuel. Non seulement les mutuelles Américaines sont très chères (et donc inabordables pour la plupart), mais les sociétés d'assurance usent de nombreuses tactiques pour refuser de couvrir les personnes "à risque" -notamment les personnes souffrant de maladies graves et/ou de longue durée. Au final le système est donc très rentable, mais une portion non-négligeable (environ 16%) de la population ne dispose d'aucune couverture santé. Les Américains sont généralement assurés par leurs entreprises, et une minorité bénéficie des programmes sociaux, "Medicare" pour les personnes âgées, et "Medicaid" pour les plus pauvres et les handicapés.

Image hébergée par servimg.com

La réforme Obama vise donc à corriger ces défauts en créant une assurance publique ("public option") qui concurrencerait les sociétés privées tout en s'occupant de ceux qu'elles délaissent, permettant ainsi d'obtenir la mythique "couverture universelle" déjà rêvée par les Roosevelt.

Mais la réforme initialement voulue est en difficulté. La réaction des conservateurs aura été d'une violence remarquable. Les critiques les plus notables sont:
- L'interférence du gouvernement dans les questions de santé pourrait empêcher chacun de choisir son médecin ou son traitement. La liberté dans la façon de se soigner disparaîtrait.
- Faire partager les coûts de l'assurance santé universelle est "anti-Américain". En d'autres termes, les dépenses n'ont pas à être socialisées, et les plus démunis (par exemple les immigrants illégaux) ne devraient pas dépendre de la société pour leur couverture.
- Avec une couverture universelle, le gouvernement serait en mesure de décider qui peut recevoir des soins. On parle De commissions qui décideraient de la vie ou de la mort des malades, et condamneraient les individus les moins productifs, notamment les personnes âgées et les handicapés mentaux. Ajoutons ici que l'expression "death panels" est de Sarah Palin.
- La réforme ferait baisser la qualité des soins, sur le modèle Canadien ou Britannique, ces deux derniers modèles étant fortement (et injustement) décriés.

En fait, le problème majeur demeure celui du financement. A l'origine les impôts sur les plus fortunés auraient dû financer le système, mais il n'en sera rien, le Congrès ayant rejeté la possibilité. Obama semble obligé de financer sa réforme par les fonds du Medicare et Medicaid, ce qui ne manquera pas de continuer à alimenter les critiques.

En toile de fond, les sociétés d'assurance souhaiteraient vivement que la réforme se contente d'obliger tous les Américains à souscrire une mutuelle. Leur lobbying est intense, et tous les arguments sont bons pour entraver la réforme Obama telle qu'elle est voulue initialement.

Image hébergée par servimg.com

Les Républicains, en présentant Obama comme socialiste, ont réussi à prendre le dessus dans le débat: la réforme ne dispose plus du soutien de la majorité de la population. Mais le président a encore quelques atouts, notamment un Congrès dominé par le parti Démocrate. Le bras de fer ne fait que commencer...

Sources:
The New York Times: The Dime Standard
The New York Times: Immigrants, Health Care and Lies
The New York Times: Health Care Reform and ‘American Values’
The New York Times: Obama, Armed With Details, Says Health Plan Is Necessary
The New York Times: Some Parents Oppose Obama School Speech