vendredi 11 septembre 2009
La difficile réforme du système de santé Américain
C'est le grand sujet du moment aux Etats-Unis: la tentative de réforme du système de santé par l'administration Obama. Peu de sujets sont aussi aptes à amplifier l'énorme fossé idéologique entre la droite et la gauche Américaine.
Pour une minorité, Obama représente le socialisme, et donc l'ennemi. A tel point que certains parents d'élèves ont demandé à ce que leurs rejetons ne regardent pas à l'école le discours à la nation sur l'éducation prononcé par le président le 8 septembre. Les conservateurs vont jusqu'à critiquer un "culte de la personnalité" naissant, et une "endoctrination" socialiste. Ce discours n'a pourtant rien d'anormal, les présidents s'adressant souvent aux jeunes élèves à la rentrée pour les encourager à bien étudier.
Mais les conservateurs n'en démordent pas: Obama est trop gauchiste, et donc "anti-Américain". Une controverse est même apparue autour de l'authenticité de son certificat de naissance, certains (dont des sénateurs Républicains) affirmant qu'il est "douteux", et que le président serait en fait né au Kenya, le rendant inéligible. Les "birthers" ont encore mauvaise presse, mais ils sont le symptôme d'une méfiance extrême de l'extrême-droite vis-à-vis du président.
Il n'est donc guère étonnant que la réforme de santé ait cristallisé toutes les émotions, et divise aujourd'hui le pays. De fait, deux visions radicalement différentes s'affrontent.
En premier lieu, il faut souligner les dysfonctionnements du système actuel. Non seulement les mutuelles Américaines sont très chères (et donc inabordables pour la plupart), mais les sociétés d'assurance usent de nombreuses tactiques pour refuser de couvrir les personnes "à risque" -notamment les personnes souffrant de maladies graves et/ou de longue durée. Au final le système est donc très rentable, mais une portion non-négligeable (environ 16%) de la population ne dispose d'aucune couverture santé. Les Américains sont généralement assurés par leurs entreprises, et une minorité bénéficie des programmes sociaux, "Medicare" pour les personnes âgées, et "Medicaid" pour les plus pauvres et les handicapés.
La réforme Obama vise donc à corriger ces défauts en créant une assurance publique ("public option") qui concurrencerait les sociétés privées tout en s'occupant de ceux qu'elles délaissent, permettant ainsi d'obtenir la mythique "couverture universelle" déjà rêvée par les Roosevelt.
Mais la réforme initialement voulue est en difficulté. La réaction des conservateurs aura été d'une violence remarquable. Les critiques les plus notables sont:
- L'interférence du gouvernement dans les questions de santé pourrait empêcher chacun de choisir son médecin ou son traitement. La liberté dans la façon de se soigner disparaîtrait.
- Faire partager les coûts de l'assurance santé universelle est "anti-Américain". En d'autres termes, les dépenses n'ont pas à être socialisées, et les plus démunis (par exemple les immigrants illégaux) ne devraient pas dépendre de la société pour leur couverture.
- Avec une couverture universelle, le gouvernement serait en mesure de décider qui peut recevoir des soins. On parle De commissions qui décideraient de la vie ou de la mort des malades, et condamneraient les individus les moins productifs, notamment les personnes âgées et les handicapés mentaux. Ajoutons ici que l'expression "death panels" est de Sarah Palin.
- La réforme ferait baisser la qualité des soins, sur le modèle Canadien ou Britannique, ces deux derniers modèles étant fortement (et injustement) décriés.
En fait, le problème majeur demeure celui du financement. A l'origine les impôts sur les plus fortunés auraient dû financer le système, mais il n'en sera rien, le Congrès ayant rejeté la possibilité. Obama semble obligé de financer sa réforme par les fonds du Medicare et Medicaid, ce qui ne manquera pas de continuer à alimenter les critiques.
En toile de fond, les sociétés d'assurance souhaiteraient vivement que la réforme se contente d'obliger tous les Américains à souscrire une mutuelle. Leur lobbying est intense, et tous les arguments sont bons pour entraver la réforme Obama telle qu'elle est voulue initialement.
Les Républicains, en présentant Obama comme socialiste, ont réussi à prendre le dessus dans le débat: la réforme ne dispose plus du soutien de la majorité de la population. Mais le président a encore quelques atouts, notamment un Congrès dominé par le parti Démocrate. Le bras de fer ne fait que commencer...
Sources:
The New York Times: The Dime Standard
The New York Times: Immigrants, Health Care and Lies
The New York Times: Health Care Reform and ‘American Values’
The New York Times: Obama, Armed With Details, Says Health Plan Is Necessary
The New York Times: Some Parents Oppose Obama School Speech
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