lundi 24 novembre 2008

Intelligent Design

L' "Intelligent Design" (dessein intelligent en vf) est une reformulation du créationnisme s'appuyant sur des arguments scientifiques, pour reprendre son wikipedia, la thèse selon laquelle
certaines observations de l'univers et du monde du vivant sont mieux expliquées par une cause intelligente que par des processus aléatoires tels que la sélection naturelle.


La théorie du dessein intelligent sert avant tout à contourner le jugement de la Cour Suprême sur la séparation entre l'Eglise et l'Etat (Edwards v. Aguillard, 1987) en demandant à ce que le créationnisme soit enseigné à l'école comme une alternative viable à la théorie de l'évolution.

Cette théorie s'appuie sur deux arguments scientifiques:
- La complexité de certains organismes ou organes (irreducible complexity), qui ne peut s'expliquer par la seule sélection naturelle. L'idée est qu'une aile ou un oeil (ou la flagelle d'un organisme microscopique en l'occurrence) sont trop complexes pour avoir évolué "par hasard", et que l'évolution ne peut expliquer l'émergence simultanée des différents éléments les constituant.
- L'improbabilité mathématique des résultats de la sélection naturelle, autrement dit que la probabilité pour que des mutations aléatoires de l'ADN produisent des éléments complexes est trop faible pour qu'elles soient dues au seul hasard.

Les deux arguments ont bien sûr été réfutés. Il a été prouvé d'une part que des structures complexes peuvent tout à fait émerger par hasard, et que la faible probabilité de ces événements ne prouve en rien l'influence d'une intelligence supérieure.

De fait, le dessein intelligent s'appuie largement sur la méconnaissance de l'évolution par le grand public. Il est en effet facile de voir une improbabilité dans la complexité actuelle de la vie sur terre, et donc de conclure qu'une influence extérieure est nécessaire pour l'expliquer. Pourtant, si la sélection naturelle est difficile à appréhender au quotidien, l'impact de l'environnement sur de longues périodes et dans des conditions extrêmes est plus que prouvée par l'observation des fossiles. Il est parfois difficile de concevoir ce que la sélection naturelle donne sur plusieurs millénaires car la durée d'une vie humaine est relativement courte, et il faut en l'occurrence une certaine foi... en la science.

En parallèle, l'évolution a révolutionné la pensée en démontrant que les textes religieux ne pouvaient s'interpréter de façon littérale. Elle a également replacé l'émergence de l'être humain dans un contexte plus large, indépendant d'une intervention divine; en d'autres termes, l'homme a été réduit à son statut animal, perdant ainsi le caractère divin ("à l'image de Dieu") de la Bible.

Les Américains, par nature très croyants, ont tendance à voir la théorie du dessein intelligent d'un oeil favorable. Bush lui-même a déclaré que
les deux théories devraient être correctement enseignées [...] afin que les gens comprennent de quoi le débat retourne.

[Voir l'article du Washington Post sur ses remarques]

Pour l'heure, les tribunaux américains ont jugé que la méthode utilisée pour soutenir un dessein intelligent était trop biaisée pour que la théorie soit enseignée (Kitzmiller v. Dover Area School District, 2005). De fait, le raisonnement qui consiste à évoquer un "concepteur" lorsque la complexité de la vie paraît inexplicable s'appuie à l'évidence sur l'ignorance et la foi religieuse. Mais si cette attaque bien orchestrée contre la théorie de l'évolution démontre bien une chose, c'est la difficulté de faire admettre au grand public que les forces naturelles dépassent de loin notre entendement. Plus encore qu'un mouvement religieux, le "dessein intelligent" représente une tentative désespérée de revaloriser notre existence, de lui donner un sens plutôt que de l'attribuer au hasard de quelques mutations opportunes.

La BBC a résumé le sujet dans un documentaire intitulé Intelligent Design: A War on Science, visible sous YouTube.

Charles Darwin


Charles Darwin
Mise en ligne par rippounet

En 2009 nous fêterons les 200 ans de la naissance de Charles Darwin et les 150 ans de L'origine des espèces.
A cette occasion de nombreux colloques reviendront sur l'oeuvre de Darwin. J'en profite personnellement pour m'intéresser de près au créationnisme aux Etats-Unis, et à sa forme la plus récente, l' "Intelligent Design".
J'y reviens très vite!

samedi 22 novembre 2008

Le monde post-américain

Le déclinisme a toujours été à la mode. Paul Kennedy faisait déjà un tabac il y a plus de vingt ans de cela avec son fameux livre The Rise and Fall of the Great Powers: Economic Change and Military Conflict From 1500 to 2000, qui prédisait le proche déclin des Etats-Unis. Plus récemment, Obama a pris pour livre de chevet The Post-American World de Fareed Zakaria (je l'ai commandé il y a quelques jours -j'y reviendrais donc).

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Aujourd'hui Le Monde rapporte dans deux articles (ici et ) que le très sérieux National Intelligence Council enterre lui aussi la puissance américaine en décrivant un monde radicalement différent pour 2025.

En fait, les tendances soulignées par le NIC n'ont rien de nouveau et s'observent déjà aujourd'hui: le déclin de la puissance économique américaine, l'incapacité de ses forces militaires à gérer plusieurs zones d'intervention en même temps, le développement de "super-puissances régionales" (Brésil, Russie, Inde...), la domination économique de la Chine, la raréfaction de matières premières (notamment les hydrocarbures), l'instabilité continuelle du Moyen-Orient ou encore les crises environnementales liée au réchauffement climatique sont évidentes pour quiconque n'a pas vécu reclus au fond des bois ces dernières années.

Ce qui est intéressant en revanche dans cet énième rapport sur le sujet, ce n'est pas tant la description d'un monde de plus en plus multipolaire, que celui d'un monde sans puissance ni idéologie dominante, dans lequel les objectifs à court terme domineront le calendrier des nations les plus influentes. Du jamais vu pour ainsi dire, puisque jamais le monde n'aura été à la fois si unifié (par les technologies modernes de communication) et hétérogène (dans ses croyances et ses systèmes de gouvernement). Un monde inter-connecté par le web et interdépendant par les échanges économiques, mais sans "communauté internationale" à proprement parler, avec une foultitude d'acteurs aux buts fort différents, hautement instable par la diffusion de la force militaire -et nucléaire-, dans lequel les innovations technologiques auront une importance encore accrue et difficile à imaginer au jour d'aujourd'hui

Si ce monde vous est aussi familier qu'à moi c'est peut-être que nous avons eu les mêmes lectures et les mêmes références culturelles. Ce monde post-américain est depuis longtemps celui des livres, bandes dessinées, jeux vidéo et films de science-fiction décrivant le proche avenir, suffisamment instable et incertain pour être vulnérable aux idées les plus démentielles. Un monde où se côtoieront les entreprises les plus cyniques et les plus beaux espoirs. Un monde finalement dans lequel nous vivons déjà, sans le savoir.

Un peu d'humour (bis)



Mise en ligne par rippounet

Cela n'est pas récent, mais fait toujours sourire...

vendredi 21 novembre 2008

Un peu d'humour...

Parce qu'on pose souvent les mêmes questions aux doctorants...

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Cet excellent strip provient du site http://www.phdcomics.com/, qui me fait bien rire. Merci à Cécile du BDP3 pour la découverte...

mardi 18 novembre 2008

Dépasser la pensée libérale

En cette période de crise économique, le libéralisme est plus que jamais attaqué comme une idéologie défaillante. Sa prétention à assurer le développement économique est remise en question, cependant que son caractère inhumain reste souligné par l’extrême-gauche partisane de l’alter-mondialisation.
Pourtant, un rejet simple du libéralisme ne permet pas d’en comprendre les défaillances, encore moins d’apporter une alternative viable. Quelques rappels sont nécessaires.

Historiquement le libéralisme, en prônant l’émancipation de l’individu face à l’Etat, prétendait apporter une auto-régulation du tissu social par une hiérarchisation utilitaire plutôt qu’héréditaire. En politique, cela nous a mené à la démocratie représentative que l’on connaît aujourd’hui –à la suite d’un effacement de la monarchie et de l’aristocratie. En économie, cela se traduit par un recul de l’Etat et une privatisation des moyens de production. C’est l’échec de cet auto-régulation économique qui remet aujourd’hui en cause les principes fondateurs du libéralisme, appelant par la-même à dépasser la pensée libérale.

Un monde « post-libéral » est pourtant encore difficile à imaginer, tant ces principes idéologiques ont de manière parfois insidieuse infiltré l’opinion publique et les mentalités. Pour une majorité aujourd’hui, l’Etat doit se cantonner à un rôle de gestionnaire de l’ordre et de la sécurité publics. Même les partisans de l’Etat-providence n’imaginent pas dé-libéraliser les sphères politiques ou médiatiques ; la critique est donc dirigée contre le libéralisme économique, et c’est celui-ci qu’on désigne en France sous le nom générique de « libéralisme ».


Le libéralisme économique a-t-il échoué ? Question difficile s’il en est, puisqu’en un certain sens celui-ci n’a jamais existé. L’intervention étatique, même réduite à un minimum, est demeurée sous des formes diverses et variées, que ce soit en Europe ou aux Etats-Unis, grâce notamment aux Banques Centrales (Banque Centrale Européenne & FED), chargées de réguler les questions monétaires et bancaires. En un sens, la crise est donc l’échec des Banques Centrales à réguler correctement la création monétaire et la spéculation, plutôt que celui du libéralisme économique.

Oui mais. Cette spéculation, celle qui a engendré la crise dite des « subprimes », a eu lieu dans un univers économique qu’on peut qualifier de « virtuel », tant les valeurs sur lesquelles s’exerce le profit sont déconnectées de la valeur réelle des biens et des entreprises ainsi gérées (les points communs avec la crise de 1929 ne manquent donc pas). C’est cette virtualisation de l’économie, paradis des spéculateurs cyniques et intéressés, qui est aujourd’hui montrée du doigt ; on y voit une faille systémique du libéralisme qui encourage l’action individuelle et la dérégularisation. Le libéralisme n’est pas fautif en soi, c’est l’inéluctable spéculation qui en découle qui le condamne.


Il est cependant également possible de s’attaquer aux définitions qui sont au cœur même de l’idéologie libérale. En opposant l’individu à l’Etat, le libéralisme a rejeté les valeurs communautaires traditionnellement associées au socialisme telles que la solidarité sociale et l’égalitarisme doctrinaire. Dans cette idéologie, les rapports d’interdépendance et de cause à effet sont donc posés de manière arbitraire : l’Etat est décrit comme un acteur oppressant, aliénant les libertés individuelles. Un tel postulat demeure cependant vrai pour tout groupe ou toute société puisque –par définition- l’individu s’efface dans sa participation au groupe. La diabolisation de l’Etat dans la philosophie libérale ne se comprend que dans la perspective historique du siècle dernier ; elle est aujourd’hui largement obsolète car les relations d’aujourd’hui entre individu et Etat ne génèrent pas automatiquement d’aliénation.

Dans le domaine économique aussi, certains postulats de base du libéralisme gagnent à être remis en question. Ainsi, le discours le plus courant et le plus communément admis –y compris chez les anti-libéraux- consiste à présenter les mécanismes de solidarité sociale comme dépendants de prélèvements sur le secteur privé. En d’autres termes, on admet que l’éducation ou la santé sont financés par les impôts sur le revenu et sur les entreprises.
Une analyse économique pragmatique nous montre qu’il n’en est rien, et que de tels liens entre les secteurs privés et publics sont au mieux théoriques.

Toute activité économique est stimulée par la création monétaire, autrement dit par les crédits accordés aux investisseurs. L’argent ainsi investi pour la production de biens matériels n’a donc aucune valeur –de fait, aucune existence- avant la création desdits biens. Contrairement au schéma communément admis, l’offre précède toujours la demande ; les entreprises et les salaires qu’elles paient sont financés par la création monétaire avant d’être rentabilisés par la consommation. Or, l’idéologie libérale interdit la création monétaire a but non lucratif ; seul le profit peut justifier l’investissement. Les activités d’intérêt commun, souvent rentables mais rarement profitables, telles que l’éducation ou la santé, doivent donc expliquer leur financement par un autre mécanisme. La désignation de l’impôt comme source de financement public n’est donc possible que si l’on exclut préalablement l’idée que le service public profite également d’une création monétaire.

On voit comment la dépendance du secteur public est en fait créée de toutes pièces dans l’idéologie libérale. C’est pourtant un fait communément admis par la majorité, qui voit les activités d’intérêt public comme peu rentables, voir déficitaires. On ignore ainsi que le secteur privé est largement alimenté par des mécanismes le favorisant grandement, sans pour autant le rendre forcément rentable.

Dépasser la pensée libérale ne demande donc pas simplement une remise en question de la non-intervention étatique, mais une redéfinition de certains principes structurels de la société. L’idéologie libérale est apparue à une époque où l’aliénation des libertés individuelles n’avait rien de symbolique ; l’émancipation économique de l’individu était un moteur pour son émancipation politique (on sait à quel point les deux furent liés dans la démocratisation des pays européens). Aujourd’hui les deux libéralismes n’ont plus à être liés ; le libéralisme politique, pilier de la démocratie occidentale, n’interdit en rien un anti-libéralisme économique. Pour un libéralisme « à visage humain », peut-être suffit-il de cesser de favoriser les entreprises privées à but lucratif, et de revaloriser l’action sociale à but désintéressé. Si demain la création monétaire était réservée aux entreprises solidaires, on aurait non seulement dépassé la pensée libérale mais on l’aurait véritablement et durablement améliorée.

Pour cette note, je me dois de citer l’article de Jean-Marie Harribey dans Le Monde Diplomatique de novembre 2008 : Les vertus oubliées de l’activité non marchande.
J’en recommande chaudement la lecture !

Télécharger cette note: Voir le Fichier : liberalisme.doc

Libéralisme (n.m)

Libéralisme:
- Doctrine économique qui privilégie l'individu et sa liberté ainsi que le libre jeu des actions individuelles conduisant à l'intérêt général.
- Doctrine politique visant à limiter les pouvoirs de l'État au regard des libertés individuelles.
- Attitude de compréhension qui pousse à la tolérance : Faire preuve de libéralisme dans ses opinions.
Dans la religion protestante, équivalent du modernisme catholique.
Source: Larousse.fr

Au jour d'aujourd'hui les débats sur le libéralisme sont d'actualité, aux Etats-Unis comme en Europe. Le libéralisme, tant décrié en France, a pourtant des sources historiques fort honorables, puisque c'est grâce à lui que nous pouvons aujourd'hui exercer un pouvoir politique.

Obama s'est dit prêt à aggraver le déficit budgétaire (selon Le Monde), et visiblement il compte s'inspirer de Franklin D. Roosevelt pour combattre la crise. Selon le New York Times, Obama s'inspire des premiers cent jours de l'initiateur du New Deal pour sa propre prise de fonction.
Obama prêtera serment en tant que 44ème président le 20 janvier prochain et prononcera ensuite un discours inaugural devant le Capitole. J'aurais la chance d'y assister, et j'espère pouvoir vous rapporter quelques paroles historiques!
La grande question est de savoir dans quelle mesure le nouveau président prendra ses distances avec le libéralisme, autrement dit à quel point il usera d'interventions de l'Etat pour redresser l'économie.

Pour revenir au libéralisme, celui-ci a donc de multiples facettes, et ne peut être réduit à son aspect économique. Ironiquement, alors que l'on associe le libéralisme à l'économie en France, on l'associe aux valeurs morales aux Etats-Unis. Un "libéral" français tend donc à être "de droite", alors qu'un "liberal" américain tend à être "de gauche". C'est un faux-ami trompeur, surtout pour les étudiants!

lundi 17 novembre 2008

Exit Guantanamo & Irak

La page sera bel et bien tournée, puisque Bush n'attend même pas Obama pour lancer le retrait américain!

dimanche 16 novembre 2008

Hillary for State




Hillary Clinton est pressentie pour être nommée Secrétaire d'Etat par Barack Obama. Le Secrétariat d'Etat est l'équivalent de notre Ministère des Affaires Etrangères, à ceci près qu'il est plus prestigieux en raison de l'influence des Etats-Unis sur le monde.
Clinton et Obama se seraient rencontrés il y a quelques jours pour "discuter" du poste, ont rapporté des journalistes (le déplacement de Clinton a Chicago avec l'encadrement par les services secrets est resté peu discret). L'entretien a ensuite été confirmé par les intéressés.

Ce geste d'ouverture envers son adversaire malheureux est ardemment discuté dans les hautes sphères de Washington. Certains y voient une manoeuvre politique d'Obama destinée à rassembler les Démocrates autour de son administration, mais éloignée de ses promesses de campagne pour une "rupture" avec les administrations précédentes. La question étant de savoir s'il pourra "contrôler" des personnalités politiques d'envergure telles que Clinton et mener à bien une réelle politique du changement.

Obama a également affirmé dans une interview pour "60 minutes", le programme phare de CBS, qu'il nommerait un Républicain à un poste d'envergure, confirmant ainsi une volonté d'ouverture et de rassemblement.

mercredi 5 novembre 2008

Petite analyse

S'il se trouve encore quelqu'un pour douter que l'Amérique est un endroit où tout est possible, qui se demande encore si le rêve de nos fondateurs est vivant à notre époque, qui questionne encore le pouvoir de la démocratie, ce soir est votre réponse.

If there is anyone out there who still doubts that America is a place where all things are possible, who still wonders if the dream of our founders is alive in our time, who still questions the power of our democracy, tonight is your answer.

President-elect Barack Obama



Discours du président Obama le soir de l'élection:




Les résultats

Voir Le Site du Monde

Une fois qu'on les regarde de près, le "raz-de-marée" concerne surtout les résultats électoraux. Par 338 grands électeurs à 161 (un résultat qui évoluera encore un tout petit peu), Obama est élu président. Mais le vote populaire n'est qu'à 52% pour lui (contre 47% pour McCain). C'est là un paradoxe politique courant aux Etats-Unis: un président peut gagner largement (la victoire d'Obama dispose environ de la même marge que celle de Theodore Roosevelt), mais sans pour autant disposer d'une majorité populaire derrière lui.
Sans surprise, McCain a raflé la majorité des votes des personnes âgées et des évangélistes, tandis qu'Obama a dominé chez les femmes, les hispaniques, et les noirs (à 95% pour ce dernier cas). L'élection se démarque également par une participation importante, ce qui a probablement joué pour les démocrates.
On note aussi la prudence des médias américains cette fois-ci quant au résultat de l'élection, puisqu'ils ont attendu 23h00 (heure de la côte est) pour donner Obama gagnant.


La campagne


Au final, Obama remporte confortablement l'élection, chose extraordinaire quand on pense à ses débuts difficiles face à Hillary Clinton. Plusieurs choses ont censément joué en sa faveur. Tout d'abord une campagne organisée de main de maître, calquée sur la campagne de 2004 de Bush, disposant de moyens importants (pour une fois les démocrates ont dominé les médias), s'appuyant largement sur les nouvelles technologies et menée par un grand orateur charismatique.
Ensuite, le contexte: après le désastre de l'administration Bush, les démocrates avaient un léger avantage à exploiter, et ce quel(le) que soit leur candidat. Mais la crise a joué aussi immensément, en éloignant l'attention de la politique étrangère et du terrorisme. Etant donnée l'inexpérience d'Obama dans le premier domaine, l'intérêt des américains pour l'économie a joué en sa faveur. D'autant que McCain, en commettant l'erreur de déclarer que "les bases de l'économie américaine sont fortes", s'est exposé à de nombreuses critiques. Les républicains souhaitaient défendre un système de décentralisation et de non-intervention étatique qui a prouvé ses limites: les électeurs ne s'y sont pas trompés.
Obama aurait pu voir sa couleur de peau jouer contre lui (c'était souvent l'analyse des médias français), mais le large soutien des afro-américains et le symbole de tolérance à envoyer au monde en ont probablement fait un atout.
Les républicains ont aussi perdu à cause de leurs propres erreurs. Sarah Palin, tout d'abord, qui a d'abord attiré plus d'attention que McCain lui-même, avant de s'avérer être un poids en raison de ses maladresses. Le caractère négatif de la campagne républicaine, avec de nombreuses attaques peu honorables contre Obama ensuite.


Les défis à venir

Obama ne manquera pas de défis. Certaines de ses promesses seront difficiles à tenir. Citons ainsi:
- Le retrait des troupes d'Irak, qui prendra plus d'un mandat à concrétiser.
- La crise économique et les pertes d'emploi qui y seront liées.
- La révolution fiscale en faveur des classes moyennes, qui risque d'être trop coûteuse en période de crise. Certaines voix la déconseillent déjà...
- La gestion de la diplomatie avec la Russie et l'Iran.
- Des réformes conséquentes sur l'assurance-maladie, trop coûteuse pour des millions d'américains (les "working poor").
- La lutte contre le terrorisme, chère aux américains, mais globalement inefficace et responsable de sacrifices en termes de libertés individuelles (comme à Guantanamo).
- La lutte contre le réchauffement climatique, pour laquelle le monde attend désormais (enfin) la coopération américaine.

Heureusement pour lui, il disposera d'une majorité dans les deux chambres du Congrès pour faire face à ces défis.


McCain a reconnu que les Américains souhaitaient un changement conséquent, tout en regrettant sans doute ne pas pouvoir l'incarner. Obama lui a répondu qu'il souhaitait travailler avec lui. En ces temps difficiles pour les Etats-Unis, le nouveau président devra montrer un talent diplomatique digne d'un Roosevelt.

Je me permets aussi de reprendre les mots d'Eric Fottorino du Monde, dans son article "L'homme qu'il faut":
Après avoir par deux fois élu George W. Bush, dans un virage incroyable d'audace, de dynamisme et de foi en ses propres ressources, l'Amérique met ainsi un terme à sa révolution conservatrice faite de dérégulation et de loi sauvage du marché, achevée dans la crise des subprimes et l'écroulement du système financier. Grâce à son charisme et à sa lucidité, Obama s'impose ainsi comme l'homme du moment, l'homme du maintenant de l'Amérique, rejetant brutalement dans un hier sombre le président sortant et John McCain, qui prétendait lui succéder.
Voilà la chance de ce pays, et celle de ses partenaires.


Reste enfin une dernière question, celle qui ne sera pas forcément posée, car elle dérange. Les Etats-Unis ont prouvé que le racisme n'était pas un frein définitif à l'ascension sociale dans leur pays. Et nous, quand pourrons-nous en dire autant?

Obama

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La nouvelle fait déjà les premières pages autour du monde.

Les analyses ne manqueront pas dans les jours et les semaines à venir. En attendant, il convient de considérer ce qui a été -de fait- un raz-de-marée pour le candidat démocrate. Moins de 150 ans après l'abolition de l'esclavage, l'élection d'un président noir aux Etats-Unis restait pour beaucoup de l'ordre de la science-fiction. Plus d'un film le représentait d'ailleurs comme se produisant dans un lointain futur ; il y a encore un certain nombre de mois, personne n'imaginait que cela pourrait se produire pour la seconde élection présidentielle américaine du 21ème siècle.
La rapidité, et plus encore la facilité avec laquelle la barrière raciale a été franchie aux Etats-Unis mérite de faire une pause pour réfléchir aux paradoxes de ce pays. Lorsque Morgan Freeman incarna le président à l'écran il y a une dizaine d'années, cela était déjà vu comme un certain progrès ; il y a moins de vingt ans, les couples interraciaux étaient encore inexistants au petit comme au grand écran.
Aujourd'hui la réalité a dépassé la fiction, et le monde se demande: et si cela allait plus loin? Si Obama avait encore d'autres surprises en réserve?
Les défis seront à la hauteur de sa présidence. Et déjà l'on se surprend à espérer qu'Obama soit encore plus qu'un symbole. Il pourrait être le plus grand président que les Etats-Unis aient jamais connu...

mardi 4 novembre 2008

Demain!

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Avec le décalage horaire, c'est seulement demain que nous aurons les résultats de l'élection américaine en France.

En attendant, les anglophones peuvent consulter cette très jolie carte interactive du New York Times qui donne une bonne idée de l'avance accordée à Obama.

De notre coté de l'Atlantique, l'AFP nous indique que non, cette fois-ci les journalistes ne joueront pas aux devins. Venant de l'AFP quelle ironie...

(pour rappel)

lundi 3 novembre 2008

Le grand mix : la campagne version Youtube

Copié-collé du Monde.fr:



La Terre Promise: un message de Michael Moore

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Et Michael Moore dans tout ça? Evidemment le troublion le plus célèbre des Etats-Unis ne pouvait qu'être pro-Obama. Et pourtant...
Pendant plusieurs années, Moore était proche du candidat Ralph Nader. Nader, cet autre troublion de la politique américaine a longtemps fait campagne pour les droits des consommateurs, avant de se présenter à l'élection présidentielle sous l'étiquette des écologistes en 1996 et 2000. Ce n'est qu'en 2004, alors que Nader ne parvient pas à gagner l'investiture des verts, que Moore soutient un démocrate (John Kerry). Cette année encore, Nader sera candidat (malheureux), et Moore est plus que jamais rangé du coté des démocrates, pour lesquels il ne ménage pas ses efforts: livre sur l'élection, interviews et messages pro-Obama... C'est presque triomphalement que son site web MichaelMoore.com proclame l'arrivée de la "terre promise". Il faut dire que cette fois tous les indicateurs sont au bleu: USA Today, CBS, Gallup... etc, tous les sondages donnent maintenant Obama gagnant, avec une marge non négligeable.

Le dernier message de Moore ne pouvait qu'attirer mon attention:
[...] Nous avons une chance de racheter ce pays, de prouver que nous valons mieux que ça, que ce que Bush a fait de nous.
McCain a raison sur un point: Barack Obama est le sénateur le plus gauchiste du Sénat des Etats-Unis. Plus gauchiste que Ted Kennedy. Quand était la dernière chance que nous avons eue d'envoyer le PLUS gauchiste des sénateurs à la Maison-Blanche? Croyez-moi, cela ne se reproduira pas de notre vivant.
Chaque vote est crucial -- même dans les Etats les plus rouges comme le Texas et l'Alabama; et dans ceux véritablement bleus comme New York, la Californie ou le Michigan. Demain nous devons créer un raz-de-marée électoral qui donnera à Obama un mandat fracassant pour rendre ce pays à nous, le peuple (we, the people).

McCain déjà battu chez les plus jeunes

Depuis 1980 un ensemble d'organisations (NBC, Google ou USA Today notamment) organisent une fausse élection présidentielle à laquelle participent les étudiants trop jeunes pour voter. Les jeunes américains, de l'école primaire jusqu'à l'université, peuvent ainsi exprimer leur préférence politique.

Voir: http://www.nationalmockelection.org

Cette fausse élection n'est pourtant pas si anodine que cela: entre 4 et 6 millions de jeunes américains y participent cette année, et les résultats peuvent être interprétés comme un indicateur des opinions de leurs parents, nettement plus fiable que les sondages.

Or donc, si les opinions des plus jeunes signifient quelque chose, c'est un véritable raz-de-marée démocrate qui va envahir les urnes:

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De la théorie de l'information...

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La théorie de l'information, qui trouve entre autres son origine dans les travaux de Claude Shannon connaît parfois quelques bugs.

Cette théorie traite notamment de probabilités: si plusieurs dénouements sont possibles pour un même événement, les spécialistes de l'information vont avoir tendance à considérer le plus probable.
En pratique, ceci conduit les grands journaux à préparer leur "une" 24h -voir plusieurs jours- avant les événements qu'ils sont censés rapporter.

On se souvient de l'annonce par FoxNews en 2000 de la victoire de Bush avant même que les derniers votes soient pris en compte. L'annonce avait été reprise par les plus grandes chaînes de télévision américaines, plaçant les démocrates dans la position difficile de devoir défendre a posteriori le résultat réel de l'élection.

Le Monde a ainsi pris le parti d'assumer ce fait bien connu en proposant dés aujourd'hui un numéro électronique daté du 4 novembre. En revanche, l'Agence France Presse (AFP) a sans doute publié de manière prématurée cet article du 2 novembre qui donne déjà Obama vainqueur:

CARACAS (AFP) — La victoire présidentielle du démocrate américain Barack Obama fait naître l'espoir en Amérique latine de relations apaisées avec le puissant voisin du nord, alors que le sentiment anti-américain s'y est accentué face à l'unilatéralisme de l'administration de George W. Bush.


De nos jours les journalistes s'improvisent devins... Espérons qu'ils soient plus doués que dans Astérix.

dimanche 2 novembre 2008

La question du collège électoral

On l'a vu récemment, les Etats n'ont pas le même poids dans l'élection présidentielle. Puisque certains Etats ont plus de grands électeurs que d'autres, cela signifie que l'élection se joue en fait essentiellement sur les Etats les plus peuplés, les autres n'étant là que montrer l'ampleur -ou à l'inverse la faible marge- d'une victoire. Le poids des électeurs individuellement en revanche est inversement proportionnel à l'importance de leur Etat.

Explication: à supposer que la Californie vote à majorité pour le candidat républicain, ses 55 grands électeurs seront considérés comme votant McCain. Pour autant, les 38 millions de californiens ne seront pas républicains ; même si la Californie votait à 60% pour les républicains, il resterait encore plus de 15 millions de démocrates dont le vote perdrait toute sa valeur.
C'est ainsi qu'un président peut très bien gagner le vote dit "populaire", en ayant une majorité des votes des américains, mais perdre l'élection à travers le mécanisme du collège électoral.

Une conséquence moins remarquée du mécanisme est la façon dont le vote minoritaire perd toute sa valeur dans chaque Etat. Plus un Etat est peuplé, et plus grand est le nombre d'électeurs affectés ; un électeur californien a donc in fine moins d'influence qu'un électeur du Wyoming.

Voici une carte du New York Times montrant l'influence réelle des électeurs pour chaque Etat ; on y voit à quel point les électeurs des Etats faiblement peuplés se voient mieux représentés par le collège électoral.
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L'agenda secret de Barack Obama

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Essayons d’imaginer ce que cette élection va changer. Nous sommes le soir du 4 novembre, et Obama est donné gagnant. Le monde attend les décisions du nouvel homme le plus puissant au monde.
Vraisemblablement il ne se passe rien, ou en tout cas pas grand chose. En vérité le pouvoir du président Obama est limité par le Congrès. Il parvient à passer quelques mesures pour améliorer les services sociaux, mais leur application est largement retardée par l’administration. Il utilise sa popularité pour user et abuser de diplomatie à l’étranger, mais la crise économique l’empêche d’appliquer un programme vraiment démocrate.

Pourtant, aux yeux de bien des américains, Obama représente bien plus qu’un vote pour le parti démocrate. Ils votent pour un homme, et voient dans sa couleur de peau le symbole de la diversité et de la tolérance. Pour eux, Obama n’est pas simplement le candidat démocrate le plus prometteur, il représente une rupture avec les politiciens auxquels ils sont habitués. Ils espèrent que le nouveau président gouvernera de manière plus humaine, qu’il oeuvrera pour le citoyen ordinaire plutôt que pour le riche entrepreneur. Dans leur optique, Obama est conscient de sa mission, et ses discours ne sont pas que de la rhétorique destinée à gagner des voix, mais bien l’annonce d’un programme ambitieux qui changera durablement les Etats-Unis. Le soutien sans précédent dont il dispose auprès des personnalités du show-business (Oprah Winfrey, George Clooney, Sharon Stone ou Will Smith sont des partisans d’Obama) est aussi du à l’espoir d’un renouveau complet de la politique américaine.
Après le 11 septembre et l’Irak, ce désir de changement est bien compréhensible. Même si on les dit mal éduqués, la plupart des américains ne sont pas dupes : ils savent que leur pays a depuis un certain nombre d’années succombé à la tentation de l’impérialisme. Ils savent que l’armée américaine n’a pas pour rôle de faire la police à Baghdad ou à Kaboul. Après le traumatisme du Vietnam pour leurs parents, les américains d’aujourd’hui comprennent mieux que jamais que la suprématie américaine ne va pas de soi, et que la défendre à tout prix aura des conséquences durables sur leurs vies. Ils souhaitent donc un président qui ne recherche pas la grandeur par la force, mais pour les idées qu’il incarne. Pour eux, qui de mieux qu’un Barack Obama ?

Ainsi, Obama peut véritablement « changer le monde », puisqu’il réssuscitera les idéaux chers aux américains. Il représente l’homme ordinaire, issu d’une minorité mais parvenu au sommet du pouvoir par son mérite. Son histoire personnelle contribue à en faire un président universel, ses prises de position en faveur d’une répartition plus juste des impôts le président de la majorité, et son opposition à la guerre en Irak un pacifiste mesuré. Pour la plupart de ses supporters, Obama ne peut donc se contenter de retirer les troupes d’Irak ou de protéger l’environnement, il doit avoir un plan pour mener à bien des changements profonds. Cet agenda secret (« hidden agenda ») n’est pas un plan machiavélique pour ranimer le socialisme ou l’anarchisme comme les conservateurs aiment à le faire croire, mais bien un ensemble de réformes, comme la « Great Society » de Lyndon Johnson, qui apportera plus de justice sociale aux Etats-Unis, permettant ainsi aux déçus de l'administration Bush d'être à nouveau fiers de leur pays. Obama peut et doit être un grand président : sa couleur de peau l’exige.

Obama est donc, et c’est paradoxal, prisonnier de son image même dans son propre camp. Il sera toujours un homme noir dirigeant le pays, et symbolisera donc le progrès. Son élection marque un tournant dans l’histoire des Etats-Unis, qui plus que jamais peuvent incarner le rêve de l’universalité ; il y a eu Washington, Kennedy et les Roosevelt, il y aura maintenant Obama. Qu’importe à quoi ressemblera de facto sa présidence : elle est déjà une légende.

La campagne du sénateur de l’Illinois ne s’y est jamais trompée : le faste et la démesure sont à la hauteur de ses promesses ; il est destiné non pas à être un King, mais un empereur. Comme candidat il a déjà prouvé qu’il était le meilleur ; reste, s’il est élu, à être à la hauteur des espoirs qu’il suscite.

Discours d'Obama lors de la convention démocrate: