S'il se trouve encore quelqu'un pour douter que l'Amérique est un endroit où tout est possible, qui se demande encore si le rêve de nos fondateurs est vivant à notre époque, qui questionne encore le pouvoir de la démocratie, ce soir est votre réponse.
If there is anyone out there who still doubts that America is a place where all things are possible, who still wonders if the dream of our founders is alive in our time, who still questions the power of our democracy, tonight is your answer.
President-elect Barack Obama
Discours du président Obama le soir de l'élection:
Les résultats
Voir Le Site du Monde
Une fois qu'on les regarde de près, le "raz-de-marée" concerne surtout les résultats électoraux. Par 338 grands électeurs à 161 (un résultat qui évoluera encore un tout petit peu), Obama est élu président. Mais le vote populaire n'est qu'à 52% pour lui (contre 47% pour McCain). C'est là un paradoxe politique courant aux Etats-Unis: un président peut gagner largement (la victoire d'Obama dispose environ de la même marge que celle de Theodore Roosevelt), mais sans pour autant disposer d'une majorité populaire derrière lui.
Sans surprise, McCain a raflé la majorité des votes des personnes âgées et des évangélistes, tandis qu'Obama a dominé chez les femmes, les hispaniques, et les noirs (à 95% pour ce dernier cas). L'élection se démarque également par une participation importante, ce qui a probablement joué pour les démocrates.
On note aussi la prudence des médias américains cette fois-ci quant au résultat de l'élection, puisqu'ils ont attendu 23h00 (heure de la côte est) pour donner Obama gagnant.
La campagne
Au final, Obama remporte confortablement l'élection, chose extraordinaire quand on pense à ses débuts difficiles face à Hillary Clinton. Plusieurs choses ont censément joué en sa faveur. Tout d'abord une campagne organisée de main de maître, calquée sur la campagne de 2004 de Bush, disposant de moyens importants (pour une fois les démocrates ont dominé les médias), s'appuyant largement sur les nouvelles technologies et menée par un grand orateur charismatique.
Ensuite, le contexte: après le désastre de l'administration Bush, les démocrates avaient un léger avantage à exploiter, et ce quel(le) que soit leur candidat. Mais la crise a joué aussi immensément, en éloignant l'attention de la politique étrangère et du terrorisme. Etant donnée l'inexpérience d'Obama dans le premier domaine, l'intérêt des américains pour l'économie a joué en sa faveur. D'autant que McCain, en commettant l'erreur de déclarer que "les bases de l'économie américaine sont fortes", s'est exposé à de nombreuses critiques. Les républicains souhaitaient défendre un système de décentralisation et de non-intervention étatique qui a prouvé ses limites: les électeurs ne s'y sont pas trompés.
Obama aurait pu voir sa couleur de peau jouer contre lui (c'était souvent l'analyse des médias français), mais le large soutien des afro-américains et le symbole de tolérance à envoyer au monde en ont probablement fait un atout.
Les républicains ont aussi perdu à cause de leurs propres erreurs. Sarah Palin, tout d'abord, qui a d'abord attiré plus d'attention que McCain lui-même, avant de s'avérer être un poids en raison de ses maladresses. Le caractère négatif de la campagne républicaine, avec de nombreuses attaques peu honorables contre Obama ensuite.
Les défis à venir
Obama ne manquera pas de défis. Certaines de ses promesses seront difficiles à tenir. Citons ainsi:
- Le retrait des troupes d'Irak, qui prendra plus d'un mandat à concrétiser.
- La crise économique et les pertes d'emploi qui y seront liées.
- La révolution fiscale en faveur des classes moyennes, qui risque d'être trop coûteuse en période de crise. Certaines voix la déconseillent déjà...
- La gestion de la diplomatie avec la Russie et l'Iran.
- Des réformes conséquentes sur l'assurance-maladie, trop coûteuse pour des millions d'américains (les "working poor").
- La lutte contre le terrorisme, chère aux américains, mais globalement inefficace et responsable de sacrifices en termes de libertés individuelles (comme à Guantanamo).
- La lutte contre le réchauffement climatique, pour laquelle le monde attend désormais (enfin) la coopération américaine.
Heureusement pour lui, il disposera d'une majorité dans les deux chambres du Congrès pour faire face à ces défis.
McCain a reconnu que les Américains souhaitaient un changement conséquent, tout en regrettant sans doute ne pas pouvoir l'incarner. Obama lui a répondu qu'il souhaitait travailler avec lui. En ces temps difficiles pour les Etats-Unis, le nouveau président devra montrer un talent diplomatique digne d'un Roosevelt.
Je me permets aussi de reprendre les mots d'Eric Fottorino du Monde, dans son article "L'homme qu'il faut":
Après avoir par deux fois élu George W. Bush, dans un virage incroyable d'audace, de dynamisme et de foi en ses propres ressources, l'Amérique met ainsi un terme à sa révolution conservatrice faite de dérégulation et de loi sauvage du marché, achevée dans la crise des subprimes et l'écroulement du système financier. Grâce à son charisme et à sa lucidité, Obama s'impose ainsi comme l'homme du moment, l'homme du maintenant de l'Amérique, rejetant brutalement dans un hier sombre le président sortant et John McCain, qui prétendait lui succéder.
Voilà la chance de ce pays, et celle de ses partenaires.
Reste enfin une dernière question, celle qui ne sera pas forcément posée, car elle dérange. Les Etats-Unis ont prouvé que le racisme n'était pas un frein définitif à l'ascension sociale dans leur pays. Et nous, quand pourrons-nous en dire autant?
1 commentaire:
Ce qui est étonnant, c'est que les analystes disaient en début de campagne que les noirs n'allaient pas forcément voter pour Obama, celui-ci n'ayant, paraît-il, pas "joué la carte raciale"... 95%, c'est pas mal, quand même...
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