dimanche 20 septembre 2009
La guerre des étoiles n'aura pas lieu ... ?
La guerre des étoiles n'aura pas lieu. Non pas l'histoire de George Lucas, mais la rivalité américano-russe pour militariser l'espace. Obama semble enterrer pour de bon cette vision, avec l'appui sans équivoque de son ministre de la défense Robert M. Gates.
La légende veut que l'histoire remonte à 1979 et une visite par Ronald Reagan du NORAD (Commandement de la Défense Aérospatiale de l'Amérique du Nord), au cours de laquelle le futur président prit conscience de la vulnérabilité des Etats-Unis à une attaque par missiles balistiques intercontinentaux (ou ICBM). La doctrine de dissuasion nucléaire par "destruction mutuelle" ne le satisfaisant pas, Reagan aurait conçu (avec l'aide de savants enthousiastes) le projet de baser des contre-mesures dans l'espace.
Annoncé au grand public en 1983 -avec un minimum de consultations préalables-, le projet IDS (Initiative de Défense Stratégique) est très vite surnommé "guerre des étoiles" car il paraît relancer la course aux armements, cette fois dans le domaine spatial.
Très vite décrié par l'URSS et tout particulièrement Mikhaïl Gorbatchev -qui n'aura de cesse de vouloir étouffer le projet-, il sera par la suite opposé avec la même véhémence par la Russie et tout particulièrement Vladimir Poutine. Il faut dire qu'un tel projet pourrait -à long terme- donner un avantage stratégique considérable aux Etats-Unis en les plaçant eux et leurs alliés à "à l'abri" de toute attaque nucléaire.
Au début du 21ème siècle c'est au tour de George W. Bush d'injecter une nouvelle vie au projet en déployant des systèmes en Alaska et en Californie, tout en planifiant le déploiement d'une plateforme anti-missiles en Pologne et un radar en République Tchèque. L'ennemi supposé est officiellement l'Iran, mais la Russie y voit une manière de limiter sa sphère d'influence en Europe de l'Est, tandis que la Corée du Nord ou la Chine peuvent être la cible des systèmes coté Pacifique.
La "réforme" Obama propose de déployer un système anti-missiles mobile dans un premier temps, avec des intercepteurs plus flexibles. Un système ainsi basé sur des navires de la marine Américaine pourrait protéger non seulement l'Europe de l'Est, mais également Israël. Ironiquement, ce changement de politique semble protéger le Moyen-Orient ou l'Europe plutôt que les Etats-Unis.
Bien que l'aspect spatial de l'IDS semble avoir quasiment disparu (certains satellites pourraient jouer le rôle de senseurs, mais aucun missile ou laser ne sera déployé en orbite), il est bon de noter que le principe de défense stratégique reste au final soutenu par l'administration Obama. Si certains Républicains y voient une concession à la Russie, Robert M. Gates et les chefs d'état-major soulignent qu'un tel système pourra être déployé "7 ans plus tôt" que le système soutenu par l'administration Bush, et ainsi être une défense plus crédible contre le programme nucléaire Iranien.
Bien sûr, le projet actuel vise plutôt des missiles de portée intermédiaire, tels que la Corée du Nord en possède déjà, et que l'Iran pourrait déployer dans un avenir proche. On lui reproche de laisser les Etats-Unis vulnérables si l'Iran réussissait à déployer des ICBM dans les dix ans à venir -un scénario qui reste discutable, et réfuté par Gates.
Ainsi donc, ce n'est pas l'IDS qui est remis en cause, mais la stratégie à adopter: pour les Républicains la défense stratégique doit viser avant tout à protéger les Etats-Unis contre les attaques intercontinentales. L'administration Obama cherche plutôt à en faire une défense mobile "locale" contre des missiles à plus courte portée, ce qui peut rassurer à la fois la Russie (dont les ICBM gardent leur potentiel dissuasif), et les alliés Américains (Israël en premier lieu, à l'évidence).
Voila donc un débat cousu de fil blanc. Si la guerre des étoiles n'aura pas lieu, l'IDS de Reagan est donc en train de devenir une réalité. Il faut dire que le projet est juteux pour le complexe militaro-industriel Américain, qui aura reçu en 25 ans des centaines de milliards de dollars ; Obama ne semble pas complètement immunisé à son influence. On aurait tort de croire que cette décision a quoi que ce soit de pacifiste ; au contraire elle ne sera que bénéfique pour l'influence Américaine.
En marge du débat, certains esprits chagrins continuent à pointer du doigt les échecs répétés de tels systèmes. Force est de constater qu'au jour d'aujourd'hui, ils sont loin d'être au point. Mais demain, ils pourraient considérablement impacter la géopolitique mondiale si certains pays sont effectivement protégés des attaques extérieures. Pis, ils pourraient rendre l'arme atomique plus "utilisable" aux yeux de certains faucons de Washington ou de Tel Aviv.
On a cru le spectre de l'armageddon écarté avec la fin de la guerre froide, mais celui-ci semble avoir la vie dure. Dark Vador n'a qu'à bien se tenir...
Vidéos:
Discours d'Obama
Discours de Robert M. Gates
Sources:
The New York Times: White House Scraps Bush’s Approach to Missile Shield
The New York Times: New Missile Shield Strategy Scales Back Reagan’s Vision
The New York Times: Missile Sense
The New York Times: A Better Missile Defense for a Safer Europe
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