lundi 5 octobre 2009

Du contrat social

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Les mots ont fini par être lâchés dans un article du New York Times: le débat sur la réforme du système de santé Américain est une question de contrat social.

Les mots sont bien sûrs ceux de Jean-Jacques Rousseau, mais de manière générale le type de "contrat" à "souscrire" entre les individus et la société dans laquelle ils évoluent est une question au coeur de toute philosophie politique, et ce depuis la République de Platon.

Dans le monde anglo-saxon, on oppose ainsi plutôt Thomas Hobbes, pour lequel l'homme "loup pour l'homme" doit se soumettre aux lois de l'Etat pour sa propre sécurité, à John Locke, pour lequel l'Etat doit garantir la préservation des libertés "naturelles" de chacun.

On voit ici se dessiner deux grandes tendances Américaines, et ce dés les débats sur la Constitution en 1787. Les partisans d'un Etat fort, capable de garantir la sécurité de chacun, seront les "fédéralistes", auxquels s'opposeront les partisans de la liberté individuelle, les "anti-fédéralistes", dont l'opposition mènera d'ailleurs aux célèbres premiers amendements à la Constitution, le Bill of Rights garant des libertés fondamentales des Américains.

Quid de Rousseau, qui de son coté va plutôt influencer le modèle Français, et -dans une certaine mesure- nos voisins Allemands? Ce dernier verra plutôt dans la soumission à l'Etat un acte volontaire fondateur d'une République, cette dernière étant conduite par la volonté générale correspondant à un intérêt commun -par opposition aux intérêts particuliers. Pour Rousseau l'Etat est légitime car il représente le peuple, voir même en un sens est le peuple -une idée étrangère aux anglo-saxons qui ne font pas l'amalgame entre peuple et pouvoir.

Les trois grands types de contrat social étant posés, on peut maintenant voir en quoi le débat aux Etats-Unis nous paraît étranger: les Américains n'ayant pas notre concept typiquement Français de République, ils ne voient dans l'intervention de l'Etat qu'une restriction de leurs libertés. Cette intervention peut être faite au nom de la sécurité commune (le modèle de Hobbes), mais fera immanquablement perdre certaines libertés individuelles (liberté d'entreprendre ou liberté de choisir les prestations indispensables comme la santé ou l'éducation, dans le modèle de Locke).

Le système de santé dépend donc inextricablement du contrat social choisi. Dans une République -au sens Français du terme-, l'intérêt de chacun est garanti par l'Etat, lui-même représentant du peuple. Dans une fédération d'Etats comme les Etats-Unis, l'intérêt de chacun semble souvent mieux garanti par soi-même que par le gouvernement fédéral, d'autant que, pour Adam Smith, l’initiative privée et égoïste sera le moteur de l’économie et le ciment de la société.

In fine, ce sont donc deux libertés, ou plutôt deux droits qui semblent en contradiction l'un avec l'autre: le droit à la sécurité, défini par Hobbes, et le droit à l'entreprise privée -profitable- de Locke. En filigrane se trouve bien sûr la question de l'importance de l'Etat dans la vie des citoyens, puisque dans la conception anglo-saxonne, l'Etat est distinct du peuple; si l'Etat est trop interventionniste, on court le risque d'étouffer l'individu -et donc l'économie- et d'aboutir au totalitarisme.

A cela, c'est un libéral s'il en est qui a déjà répondu:
Dans les cas de maladie ou d'accidents, ni le désir d'éviter de telles calamités, ni les efforts fournis pour surmonter leurs conséquences ne seront généralement affaiblis si l'on fournit une assistance [...]. On peut donc argumenter avec force pour la mise en place d'un système universel de sécurité sociale assistée par l'Etat.


Dixit Friedrich Hayek, l'un des plus grands pourfendeurs du socialisme.


Sources:
The New York Times: The Public Imperative
Friedrich Hayek: La route de la servitude

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