dimanche 7 mars 2010
La montée de l'extrémisme américain
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Depuis l'élection de Barack Obama à la présidence américaine, l'extrême-droite américaine n'a cessé de gagner en puissance. Rien d'étonnant à cela, le racisme et la suspicion envers le gouvernement fédéral allant souvent de pair pour décrier l'administration Obama. Petite analyse de l'extrême-droite...
Les forces en mouvement sont plus complexes qu'il n'y paraît. A la source de cet extrémisme, un principe philosophique et politique adopté dés 1787 par les pères fondateurs: le peuple ne saurait avoir de pouvoir que par une démocratie représentative formant un gouvernement fédéral à Washington. Madison et Hamilton notamment (dans les "Federalist Papers") rejettent la démocratie "directe" et excluent que le peuple puisse gérer les affaires de la nation, préférant l'élection de dirigeants plus éduqués acquis à la cause de l'intérêt général.
Depuis le 18ème siècle, les "anti-fédéralistes" n'ont cessé de contesté ce principe, arguant que la seule réelle démocratie est celle du peuple, et que le gouvernement fédéral ne peut exercer qu'un pouvoir arbitraire. En somme, il s'agit là d'un anarchisme opposé par principe à tout pouvoir central, et plaidant pour une démocratie plus participative.
Les bases philosophiques du mouvement sont donc solides, d'autant que l'anti-fédéralisme a toujours eu pignon sur rue dans le parti Républicain, qui prône la "dérégulation", autrement dit moins de contrôle et d'agences fédérales, moins de services publics et donc moins d'impôts. Ronald Reagan était, paradoxalement peut-être, un anarchiste dans les faits, si pas dans l'esprit.
Mais le mouvement s'ancre en revanche dans un conservatisme moral et religieux qui dépasse la simple intolérance et devient bien plus qu'une incitation à la haine. En décriant le gouvernement fédéral comme non seulement arbitraire mais profondément immoral, l'extrême-droite américaine s'autorise à user de violence pour arriver à ses fins.
Il faut dire aussi que la paranoïa est forte au sein des différents groupes et organisations extrémistes ; pire encore, elle est en un sens justifiée. En défendant fortement les libertés individuelles, le mouvement se structure autour de milices fortement armées, au nom du second amendement à la constitution garantissant ce droit. Le mouvement attire ainsi la surveillance des agence fédérales (le Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosives ou ATF et le FBI) qui craint les dérives des militants. Il faut dire aussi que dans un contexte post-911, les milices sont souvent étiquetées comme organisations terroristes.
De ce point de vue, le gouvernement américain est en position ambigüe, car trop de répression contre l'extrême-droite revient à justifier la paranoïa, et donc ironiquement la possession d'armes à feu pour se défendre de l'oppression.
Il y a enfin la dimension morale à souligner: dans un monde très matérialiste, dominé par des forces économiques contrôlées par une élite minoritaire, l'extrême-droite américaine fait l'amalgame entre pouvoir politique, élite intellectuelle et grandes entreprises. Pour les miliciens, il y a connivence entre les politiciens et l'élite du "nord-est" pour former un "nouvel ordre mondial" et un "gouvernement mondial unique". L'oppression sera ainsi exercée au niveau mondial au nom des intérêts financiers et au mépris des individus. Il y a la bien sûr de l'anti-fédéralisme, mais également un anti-intellectualisme propre aux membres des milices, souvent issus de classes défavorisées de la société.
Si de telles idées (souvent traitées de "conspirationnistes") vous semblent familières, c'est qu'elles sont (ironiquement) très proches de l'anarchisme de gauche (anarchisme libertaire par exemple) prôné par des intellectuels comme Noam Chomsky. "Les extrêmes se rejoignent" dit-on souvent, et en apparence cela peut sembler être le cas. Mais l'analogie s'arrête là car deux aspects de l'extrémisme américain restent à expliquer.
Le premier est le caractère raciste de la plupart des organisations, ancrés dans la tradition sudiste. Lors de la guerre de sécession, la confédération défendait tout autant l'esclavage que la résistance des Etats à Washington: l'amalgame historique est resté, et explique qu'encore aujourd'hui anti-fédéralisme et racisme vont souvent de pair.
Le second est le caractère fortement chrétien du mouvement, mais excluant néanmoins toute tolérance. L'extrême-droite montre une forte haine envers les autres religions (anti-sémitisme et anti-islamisme sont la norme), une farouche opposition à l'avortement, et une homophobie récurrente.
L'histoire américaine contemporaine est donc marquée par des groupes religieux ou politiques lourdement armés, fortement conspirationnistes et se défiant du gouvernement de Washington, souvent déterminés à "reprendre le pouvoir" à l'élite auto-proclamée. Citons Ruby Ridge et Waco (1992, 1993), l'attentat d'Oklahoma City (1995), ou, plus récemment, l'homme ayant écrasé son avion dans un bâtiment des impôts (IRS) à Austin (18 février 2010).
Au coeur de l'extrême-droite, un principe simple: refuser de séparer les principes moraux des principes politiques et philosophiques. D'où un grand nombre d'amalgames ou de raccourcis cautionnant la violence. Les extrémistes américains, convaincus d'être dans leur bon droit politique et moral, ne voient aucune raison de ne pas défendre leurs idées par les armes.
Si on ajoute un autre amalgame de la droite américaine entre socialisme et totalitarisme (voir Du contrat social, note du 5 octobre), on comprend comment l'élection d'Obama a pu raviver la flamme de l'extrême-droite américaine.
Reste pour conclure, à rappeler que l'extrême-droite n'est pas un privilège américain. L'amalgame entre pouvoir central et pouvoir immoral est très présent en France aussi. Et si la dimension religieuse est traditionnellement moins importante dans notre pays (par le fait d'une révolution anti-cléricale), le racisme est lui bien présent, et le conservatisme qui l'accompagne plus vivace que jamais.
Sources:
The Federalist Papers & The Anti-Federalist Papers: Commentaries on the U.S. Constitution
Le Monde: L'irrésistible expansion de l'Amérique de la haine
The Washington Times: Federal agency warns of radicals on right
The New York Times: The Wal-Mart Hippies, by David Brooks
The Anti-Defamation League: The Militia Movement
lundi 1 mars 2010
UANI
Incroyable mais vraie, cette photo prise par un collègue britannique à New York.
L'UANI s'avère être une "organisation 'non-partisane' (comprendre: ni Républicaine ni Démocrate)" dont le but est d'attirer l'attention sur la menace que pourrait poser l'Iran s'il acquérait l'arme atomique et, parallèlement, d'influencer la politique étrangère américaine.
Bien sûr, des organisations comme l'UANI ont déjà existé aux Etats-Unis, comme par exemple le Comité sur le Danger Immédiat (Committee on the Present Danger) qui dans les années 50, puis 70 cherchait à promouvoir une ligne dure vis-à-vis de l'Union Soviétique, avant de réapparaître en 2004 pour promouvoir la guerre contre le terrorisme de l'administration G.W.Bush.
L'UANI ou le CPD se disent neutres politiquement, et en un sens ils le sont, car la perception d'une "menace extérieure" transcende effectivement les lignes de partis politiques. Pour autant, une telle perception repose sur une vision large des intérêts américains qui encourage, ou du moins cautionne, l'impérialisme et la suprématie américains.
http://www.unitedagainstnucleariran.com
L'UANI s'avère être une "organisation 'non-partisane' (comprendre: ni Républicaine ni Démocrate)" dont le but est d'attirer l'attention sur la menace que pourrait poser l'Iran s'il acquérait l'arme atomique et, parallèlement, d'influencer la politique étrangère américaine.
Bien sûr, des organisations comme l'UANI ont déjà existé aux Etats-Unis, comme par exemple le Comité sur le Danger Immédiat (Committee on the Present Danger) qui dans les années 50, puis 70 cherchait à promouvoir une ligne dure vis-à-vis de l'Union Soviétique, avant de réapparaître en 2004 pour promouvoir la guerre contre le terrorisme de l'administration G.W.Bush.
L'UANI ou le CPD se disent neutres politiquement, et en un sens ils le sont, car la perception d'une "menace extérieure" transcende effectivement les lignes de partis politiques. Pour autant, une telle perception repose sur une vision large des intérêts américains qui encourage, ou du moins cautionne, l'impérialisme et la suprématie américains.
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