vendredi 9 avril 2010
When apparence matters...
Pourquoi tant d'encre pour des réductions d'armes nucléaires qui, pour l'opinion publique, vont généralement de soi? Les arsenaux russes et américains sont de l'avis général remplis d'armes d'un autre temps, dangereuses et dépassées à la fois.
C'est que l'arme nucléaire, par nature, possède une dimension psychologique presque aussi importante que l'arme elle-même. La dissuasion ne repose pas seulement sur la possession de la bombe, mais également sur la volonté de l'utiliser. Anecdote troublante sur le sujet: pour renforcer la dissuasion américaine, Kissinger n'avait pas hésité à décrire Nixon comme "incontrôlable" aux Soviétiques.
La seule réduction des arsenaux nucléaires montre donc une réticence à les utiliser, ce qui diminue d'autant la dissuasion, et "met l'Amérique en danger" pour les Républicains. Argument imparable.
En fait, il n'y a aucun danger réel pour les Etats-Unis, qui n'ont de toutes façons pas été sérieusement menacés sur leur territoire depuis le 19ème siècle. L'administration Obama, comme toutes les autres, se réserve le droit de juger de la nécessité ou non d'utiliser l'arme atomique en cas de réel danger. Nihil nove sub sole donc. Sans oublier que le coût de maintien d'un tel arsenal n'est plus d'actualité de toutes façons, et qu'économiquement parlant, il est plus judicieux d'investir dans une modernisation des forces américaines, y compris conventionnelles, plutôt que dans une arme qui demeure -sauf pour les pires des "faucons"- un dernier recours.
Alors pourquoi autant d'encre? Parce que le message envoyé, sans être véritablement pacifiste (dans l'absolu, il est loin d'exclure les frappes nucléaires), est en effet différent.
Tant que les Etats-Unis s'autorisent à user de l'arme atomique en toutes situations, leurs ennemis sont de facto sous la menace d'un bombardement nucléaire, et ce à tout moment, pour le moindre prétexte. Si cette position est éliminée, alors les Etats-Unis sont dans une posture essentiellement défensive. Comme cela a été souligné dans le New York Times, cette stratégie fut initiée autrement par un Républicain, le général Eisenhower, qui tout en étant patriote, ne voyait pas l'impérialisme militaire d'un bon oeil.
Le fait d'être sur la défensive modifie en effet une donne importante du jeu géostratégique mondial: il implique de ne pas poursuivre l'hégémonie par la voie des armes, ou tout du moins, pas par la terreur. Par contraste, dans une perspective Républicaine, les Etats-Unis doivent imposer leur idéologie et leurs valeurs au monde: c'est leur destin et leur devoir, et ils ne peuvent s'y soustraire.
Obama semble prêt à les y soustraire au contraire, au moins en apparence si pas dans les faits. Et si les apparences comptent, cela valait peut-être un prix Nobel finalement...
Sources:
The New York Times: Obama’s Nuclear Strategy Intended as a Message
The New York Times: Mr. Obama’s Nuclear Policy
The New York Times: Obama’s Nuclear Modesty
The New York Times: Just Like Ike (on Deterrence)
The New York Times: Obama Limits When U.S. Would Use Nuclear Arms
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