dimanche 28 septembre 2008

La Présidence Impériale: Introduction

La présidence impériale, qu'est-ce que c'est? A la base, il s'agit d'une expression popularisée par l'historien Arthur M. Schlesinger pour décrire une tendance en politique institutionnelle: le président américain tend à s'attribuer plus de pouvoir qu'il ne le devrait. Ce faisant, il devient un président "impérial" car affranchi des systèmes de contrôle conçus dans la Constitution.
En d'autres termes, la "présidence impériale" désigne un déséquilibre institutionnel, qui sera principalement visible en politique étrangère, mais pas seulement. Ce déséquilibre n'est pas décrié par tous: pour les conservateurs américains il s'agit parfois d'une évolution souhaitable, voir même voulue par les pères fondateurs. Le pouvoir accru du président permet ainsi de mettre en place plus facilement des politiques qui pourraient être opposées par le Congrès.

Cette présidence impériale était surtout le fait des Roosevelt ou de Nixon ; au lendemain des attaques du 11 septembre 2001, les Etats-Unis entrent en guerre contre le terrorisme. George W. Bush devient alors le dernier des « war presidents ». Sous ses ordres, les Etats-Unis interviennent en Afghanistan en octobre. Dans le même temps, son Département de la Justice fait voter le USA Patriot Act pour mieux protéger le territoire américain; les personnes suspectées de terrorisme sont emprisonnées en complète violation de la plupart de leurs droits civiques; certains se voient refuser tout droit -y compris le statut de prisonnier de guerre protégé par la Convention de Genève- et sont détenus indéfiniment dans des prisons militaires comme sur la base de Guantanamo Bay à Cuba. Le combat contre le terrorisme s’étend à toute la politique étrangère américaine. Dans son discours sur l’Etat de l’Union 2002 , Bush décrit un « axe du mal » (axis of evil) constitués de pays hostiles et de leurs alliés terroristes . La cible privilégiée de l’administration Bush est l’Irak, accusée de posséder des armes de destruction massive et d’entretenir des liens avec le réseau terroriste al Qaida. En mars 2003, malgré une forte opposition de l’opinion publique mondiale et d’un grand nombre de leurs alliés, les Etats-Unis attaquent l’Irak et écrasent l’armée du dictateur Saddam Hussein.
Les politiques de Bush inquiètent, surtout à l’étranger. Le président n’a-t-il pas outrepassé ses droits tant au regard des lois internationales que des lois américaines ? N’existe-t-il donc aucun contrepoids dans les institutions américaines qui puisse l’arrêter ?
Le groupe des « néo-conservateurs » (neoconservatives) au sein de l’administration Bush est montré du doigt, accusé de préparer une domination américaine sans concessions sur le monde, de vouloir imposer leur idéologie à tous les peuples de la planète. Le président américain est décrié comme un homme dangereux, analphabète, fanatique religieux, ou encore marionnette au service du complexe militaro-industriel. L’exécutif semble hors de contrôle. Le prestige américain s’effondre. Un sondage effectué en 2003 par Time Magazine révèle que plus de 80 % des européens estiment que les Etats-Unis sont le pays qui pose le plus grand danger à la paix mondiale .
Pour un pays aussi désireux de préserver les libertés individuelles, le droit international et l’équilibre institutionnel, la nouvelle face de l’administration américaine a de quoi surprendre. Pourtant, la réalité est plus complexe. Le traumatisme des attentats du 11 septembre, (« 9/11 » en abrégé) est profond. Les américains ont découvert qu’une partie du monde déteste leur empire. Leur quête de sécurité passe par une réaction très forte, presque démesurée. Bush n’est pas un élément hors de contrôle; il agit avec le soutien du Congrès et de l’opinion. Ses politiques de protection du territoire, qui en matière de politique étrangère se traduisent par l’assertion d’une doctrine de préemption face aux menaces potentielles , sont approuvées par la majorité des américains. A bien y réfléchir, ce n’est pas la première fois qu’un président américain prend de telles initiatives; on se souvient des Roosevelt, de Truman ou de Nixon. De plus, des critiques sont apparues à l’intérieur même des Etats-Unis. Le Patriot Act et les ordres exécutifs (executive orders) qui l’accompagnent sont décrits comme liberticides. Les associations de protection des libertés individuelles, en particulier l’American Civil Liberties Union (ACLU), s’insurgent. La Cour suprême, dans Hamdi V. Rumsfeld (2004), rappelle l’exécutif à l’ordre : « un état de guerre n'est pas un chèque en blanc pour le président quand il s'agit des droits des citoyens de ce pays » . Mais les voix sont plus faibles pour dénoncer l’invasion de l’Irak. Pourtant, aucune arme de destruction massive n’a été trouvée, et les liens entre al Qaida et Saddam Hussein se révèlent être une invention de l’administration Bush pour justifier l’attaque dans le cadre de sa guerre contre le terrorisme. Les américains jouent de patriotisme, soutiennent les troupes engagées dans le conflit, et –en dépit de tout- réélisent leur président en 2004.
Cette domination présidentielle acceptée de la politique étrangère a de quoi étonner. Les Etats-Unis n’ont-ils pas été fondés dans l’opposition au monarchisme parlementaire anglais ? Comment le président peut-il avoir autant de puissance ? Le 21ème siècle semble se placer sous le signe de l’oppression du géant américain; après tout, pour reprendre André Kaspi : « l’Union Soviétique n’existe plus. Les Etats-Unis restent la seule superpuissance. Leur force et leur influence sont sans égales dans le monde ». Dans ce contexte, il faut parfois un empereur pour un empire. Le 11 septembre n'a été qu'une occasion de plus de réveiller le spectre de l'impérialisme à l'américaine.

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