lundi 17 mai 2010

La stratégie du choc

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« La Stratégie du choc » est une thèse de la journaliste altermondialiste Naomi Klein. L’idée principale de son livre est simple : les politiciens profitent de la stupeur provoquée par les crises importantes pour avancer un agenda de réformes néo-libérales.
Si cet argument de Klein peut paraître réducteur, c’est parce qu’une telle stratégie n’a pas besoin d’être consciente : Noam Chomsky, tout en insistant sur la façon dont l’attention médiatique peut être détournée et manipulée, a toujours souligné qu’il fallait éviter de voir un projet organisé des élites mais plutôt un ensemble de confluences d’intérêt poussant dans la même direction.
De ce point de vue, les exemples ne manquent pas. Toute crise est utilisable, ou, pour reprendre la citation de l’économiste libéral Milton Friedman « Seule une crise, qu’elle soit bien réelle ou seulement une construction, peut produire de réels changements ». Les périodes de guerre ou de conflit provoquent toujours une compression des libertés individuelles et un pouvoir accru des garants de l’autorité, des forces de l’ordre au pouvoir exécutif, en passant par les services secrets et les institutions économiques. Les suites aux attentats du 11 septembre 2001 l’illustrent de manière flagrante, mais tout conflit, depuis au moins le XVIIIème siècle, est prétexte à un renforcement des pouvoirs établis. Alexander Hamilton l’écrivait déjà en 1787 : la guerre augmente considérablement le pouvoir exécutif (Abraham Lincoln aura d’ailleurs la même remarque moins d’un siècle plus tard). Semblablement les crises économiques les plus sévères ont toujours augmenté le pouvoir du gouvernement de manière générale. Toute menace à sa survie conduit l’individu lambda à se chercher un pouvoir auquel s’en remettre.
La nouveauté de cette époque se trouve dans le pouvoir des médias de provoquer une crise, ou plutôt d’en construire une par des gros titres et des images sensationnels. A travers les catastrophes naturelles, les crises économiques ou les simples débats de société, les médias ont acquis une capacité très visible à orienter l’attention de la population. Lorsqu’il y a collusion entre l’Etat, les forces économiques principales, et les médias, on peut raisonnablement craindre pour la démocratie.
Dans quelle mesure les crises sont-elles consciemment préparées pour être utilisées dans des buts précis ? Klein dit bien qu’il s’agit plus d’opportunisme que de construction planifiée, en d’autres termes, d’une tactique politicienne pour contourner la souveraineté du peuple. Mais dans le New York Times du jour, le journaliste conservateur (*!*) Ross Douthat nous rappelle que les changements politiques et économiques apportés en temps de crise ont tendance à rester. A l’inverse, les évolutions démocratiques et progressistes exigent une réelle volonté populaire et sont vulnérables à la stratégie du choc.

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