mardi 10 mars 2009

2008 - un tournant?

L'année 2008 sera-t-elle un tournant historique? La question a été posée par Thomas Friedman, le multi-pullitzer du New York Times.
La question peut paraître fort naïve en apparence, mais elle a une pertinence indéniable. Pour commencer les crises économiques au sens large du terme, même lorsqu'elles sont oubliées dans les méandres de l'histoire, n'en marquent pas moins l'histoire des idées, la littérature ou la politique. On peut citer de grandes oeuvres littéraires ou politiques qui n'ont vu le jour que par leur contexte socio-économique, des Raisins de la Colère (1939) aux oeuvres de Dickens en passant par Germinal ou l'incontournable Das Kapital.
Ensuite cette crise survient à un moment clé, précisément alors que les doutes sur le système néo-libéral et l'économie de marché se répandaient déjà de plus en plus.

La crise économique conduit donc à deux types d'interrogations. Un type superficiel, très "actuel", sur le système et ses méfaits, et un type plus profond, une interrogation "de fond" sur une possible nécessité de complètement réformer le système.

Friedman ne voit pas que l'économie: à son sens, la crise écologique a aussi été vécue "à crédit", dans le sens ou nous avons là aussi vécu au-dessus des moyens de notre planète. Dans les deux cas il va falloir appliquer des politiques responsables et cesser de voir à court terme. L'élection de Barack Obama, non seulement le premier président Américain noir mais aussi le premier depuis des décennies à remettre en question l'idéologie néo-libérale, achève de faire de 2008 un tournant historique digne de ce nom.

De fait les voix se sont élevées partout pour proclamer "la fin" de quelque chose. Ainsi le sociologue Américain Immanuel Wallerstein proclame-t-il rien de moins que "la fin du capitalisme":
La situation devient chaotique, incontrôlable pour les forces qui la dominaient jusqu'alors, et l'on voit émerger une lutte, non plus entre les tenants et les adversaires du système, mais entre tous les acteurs pour déterminer ce qui va le remplacer. Je réserve l'usage du mot “crise” à ce type de période. Eh bien, nous sommes en crise. Le capitalisme touche à sa fin
Les thèses alter-mondialistes ou marxistes sont plus que jamais d'actualité. Mais plus significatif encore, une réflexion s'est amorcée sur les bienfaits réels de l'économie de marché. Et de conclure que le système a profité avant tout à une minorité: entre 1980 et 2005 l'économie Américaine a presque doublé en volume, mais les revenus de la vaste majorité de la population ont en fait décliné. En parallèle l'endettement des classes ouvrières et moyennes devint si important qu'il fut "financialisé" (financialised), c'est-à-dire ouvert à la spéculation, avec les effets que l'on sait.

Mais pourquoi une majorité de la population a-t-elle ainsi été obligée de s'endetter pour accéder à la consommation et la propriété? Aux sources du problème, cela n'illustre-t-il pas l'incapacité du système à s'auto-réguler, à redistribuer les richesses équitablement? Force est d'admettre soit que la société de consommation offre plus de produits que la majorité ne peut en consommer, soit que la majorité est sous-payée, ou plutôt "exploitée".

Voilà comment une crise économique met en lumière des vérités troublantes: Marx est encore d'actualité, le néo-libéralisme ne profite qu'à une minorité, la cupidité et le cynisme de quelques-uns ont des conséquences néfastes pour tous, l'histoire n'est pas finie.
Que de surprises.

Sources:
The New York Times: "The Inflection Is Near?", Par Thomas Friedman. 07/03/09
The New York Times: "Reviving the Dream", par Bob Herbert. 09/03/09
Le Monde: "Le capitalisme touche à sa fin". 11/10/08
Blog Rue89: "Avec la crise, Marx redevient capital", par François Krug. 15/10/08
Blog de David Harvey (professeur à l'Université de New York): "The Crisis and the Consolidation of Class Power". 06/03/09

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