jeudi 26 février 2009

Faut-il être raciste? (2)

Une question appelle une réponse, et à peine celle-ci était posée qu'elle trouvait une réponse.

De fait, pourquoi parle-t-on de race déjà? Ou pour être plus précis, à qui profite l'accusation de racisme?

Si les coups de butoir contre la France "raciste" ou "discriminante" viennent parfois de la nouvelle droite, et si c'est N.Sarkozy qui a crée le "Ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire" il n'y a bien sûr pas de hasard. Pour bien comprendre l'utilité de la "question de la diversité", c'est parfois dans le langage qu'il faut chercher.

Si nous ne mettons pas en oeuvre une politique profondément volontariste (...) alors jamais les élites au sommet ne ressembleront à la diversité à la base.

C'est par le critère social qu'il faut prendre le problème parce que les inégalités sociales englobent toutes les autres. [...] L'égalité réelle des chances c'est d'abord par l'école qu'elle passe. C'est la solution qu'avait choisie la IIIe République en créant le statut de boursier [ce qui a] permis à tant de fils d'immigrés pauvres de rejoindre en une ou deux générations les élites sociales, intellectuelles et politiques d'une République qui acceptait alors de regarder en face la réalité de ses inégalités.

En apparence, il y aurait là de quoi faire les louanges du chef de l'Etat. Pourtant, en filigrane, un mot revient encore et encore: élites. Et finalement, l'existence d'élites "au sommet" finit par aller de soi. On finit par parler "d'égalité des chances" plutôt que d'égalité tout court. Le statut de boursier n'avait-il pas pour but de réduire les inégalités sociales, sans qu'il soit question de couleur de peau ou d'origine? En redéfinissant la notion d'égalité par la seule diversité, N.Sarkozy réécrit l'histoire.

Aux Etats-Unis aussi l'histoire a été réécrite. Ou a oublié que le mouvement des droits civiques avait aussi une couleur politique. Bobby Seale, cofondateur des Black Panthers déclarait ainsi:
Ceux qui espèrent obscurcir notre combat en mettant en avant l'existence de différences ethniques aident au maintien de l'exploitation des masses: Blancs pauvres, Noirs pauvres, Bruns [Hispaniques], Indiens, Chinois et Japonais pauvres. [...] Nous ne combattrons par l'exploitation capitaliste grâce à un capitalisme noir. Nous combattrons le capitalisme grâce au socialisme.

Retour au jour d'aujourd'hui où la question est à présent de savoir si l'élection de Barack Obama représente un réel bouleversement social ou s'il n'est que le représentant d'un "capitalisme noir" qui légitimerait le système Américain et les inégalités qui en découlent. La question reste ouverte, car à peine avait-il "rassuré" les plus conservateurs aux Etats-Unis que ses dernières mesures représentent au contraire un changement radical dans l'idéologie Américaine.

Et pendant ce temps en France, faut-il parler de différences raciales ou ethniques? Faut-il parler de discrimination positive ou de réformes? Sans doute. Mais attention à ne pas tomber dans le piège des nouvelles définitions. La justice sociale ne survient pas lorsque des fils ou petits-fils d'immigrés accèdent au pouvoir et à la richesse. Elle survient lorsque tous partagent le pouvoir et la richesse. Ce que l'égalité des chances dissimule, c'est qu'une chance n'est pas assez pour tout le monde.

Source:
"Liberté, fraternité... diversité?" par Walter Benn Michaels (professeur de littérature à l'Université de l'Illinois), Le Monde Diplomatique de février 2009.
"Politique : Sarkozy veut plus de diversité ethnique dans les élites", RFO, 27/11/08.
Discours de N.Sarkozy à l'école polytechnique, 17/12/08

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