lundi 13 avril 2009
Tea Parties
Le soir du 16 décembre 1773, une soixantaine d'américains costumés en indiens Mohawks montent à bord de trois navires britanniques amarrés dans le port de Boston pour jeter à la mer -dans le plus grand silence- environ 45 tonnes de thé.
L'événement, surnommé le Boston Tea Party deviendra symbolique des prémices de la guerre d'indépendance américaine, que les américains appellent encore aujourd'hui une "révolution". Pourquoi une révolution? Parce qu'il s'agit là d'un mouvement de protestation spontanée contre les impôts abusifs de la Grande-Bretagne sur les produits de ses colonies d'outre-atlantique, notamment le thé. La révolte est causée surtout par l'absence de représentation des colons au parlement anglais qui donnera un fameux slogan: "no taxation without representation". Les rebelles refusent l'autorité de la couronne britannique qu'ils décrivent comme arbitraire.
Alors pourquoi des Tea Parties en 2009? Parce que les politiques économiques de Barack Obama inquiètent. Pour les conservateurs américains, les plans de relance des démocrates (787 milliards de dollars aux dernières nouvelles) ne peuvent que se traduire par plus d'impôts. Or, beaucoup ne reconnaissent pas l'autorité du gouvernement fédéral américain, jugeant les élections sans valeur. Pour l'extrême-droite américaine, l'Etat n'a pas à avoir le moindre pouvoir sur l'individu. Et ils sont prêts à se battre contre ça...
Les américains des Tea Parties ne souhaitent pas payer pour ce à quoi ils ne croient pas. Le phénomène n'est pas nouveau, puisque c'était déjà le slogan de la nouvelle droite américaine au début des années 1980. "Le gouvernement n'est pas la solution, le gouvernement est le problème" déclarait Ronald Reagan. Si au début des années 1980 le mouvement s'attaquait au "Welfare Queens", des soi-disant mères célibataires au chômage "profitant" de la sécurité sociale pour rouler en cadillac, il semble s'en prendre aujourd'hui aux banquiers et aux entreprises que l'on doit sauver avec l'argent du contribuable.
Semble. Car le mouvement est fortement idéologique, et rencontre un certain scepticisme sur son organisation. Certes, il y a de nombreux américains moyens ne souhaitant pas payer trop d'impôts, qui sont prêts à descendre dans la rue. Mais le mouvement est coordonné par FreedomWorks, une organisation dirigée par un parlementaire républicain et financé semble-t-il par de grosses fortunes. Les médias et journalistes de droite, FoxNews ou Rush Limbaugh, se sont empressés de médiatiser des manifestations qui, jusqu'ici, ne semblent rassembler que quelques milliers de personnes à chaque fois... dans les meilleurs cas, car certains rassemblements peinent à attirer plus de quelques douzaines de personnes.
Pourquoi cette agitation alors? Pour l'instant la seule mesure fiscale marquante de l'administration Obama est une augmentation des impôts de 10% pour les américains les plus fortunés (ceux dont le salaire annuel comporte six zéros après le chiffre). Cela suffit pour que sa politique soit dénoncée comme "socialiste", et que des organisations conservatrices en appellent à la révolte par le biais d'internet. Dans certains cas, cela marche. Et bien entendu, le mouvement sera de mieux en mieux organisé au fil du temps. Il est même tout à fait probable qu'il serve de catalyseur à un retour des Républicains dans les urnes.
Car le but des conservateurs est d'avoir un impact sur les élections législatives de 2010, ainsi que de revitaliser un thème idéologique cher aux Républicains: le "petit" gouvernement. On peut imaginer ce que seraient les Etats-Unis s'ils connaissaient le succès: les plans de relance seraient annulés, de nombreuses entreprises feraient faillite, et les impôts seraient encore baissés pour "stimuler" l'économie. Bien sûr, ce serait une catastrophe puisque cette recette a fait passer jadis le déficit budgétaire américain d'environ 252 milliards sous Carter à 1,4 trilliard sous Reagan! Au jour d'aujourd'hui de telles politiques auraient aussi de douloureuses répercussions au niveau mondial.
Mais on trouvera toujours, aux Etats-Unis et ailleurs, des gens pour haïr les impôts... au point parfois d'être prêt à tout sacrifier. Culture d'abord, puis l'Education et la Santé, et maintenant les entreprises elles-mêmes. Preuve sans doute que l'idéologie à outrance, à gauche comme à droite, ne mène qu'à l'absurdité la plus totale.
Sources:
The New York Times: Tea Parties Forever, par Paul Krugman. 12/04/09
USA Today: Tax Revolt a Recipe for Tea Parties, par Oren Dorell. 12/04/09
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire